Produit d’une équation bien de chez nous (histoire de coucherie compliquée + satire socio-politique), Le Nom des gens est un spécimen plutôt reluisant. Son petit effet tient au traitement rocambolesque d’une problématique qui ne manque pas de charme – comment un quadra légèrement coincé s’amourache par erreur d’une jeune gauchiste survoltée, dont la stratégie militante consiste à se taper des suppôts de l’UMP pour les convertir en altermondialistes béats ? L’idée, donc, a du charme, mais on sait bien que la comédie française, quand elle se pique de politique, a plus souvent servi les hymnes bien-pensants que les farces véritablement corrosives.

Bonne nouvelle : le film ose bel et bien mettre les pieds dans le plat du fameux brassage républicain, raillant aussi bien les résidus d’idéaux soixante-huitards que les postures de la droite pantouflarde, sans négliger d’entarter au passage leurs chantres les plus virulents. Le récit s’ouvre sur les curriculums respectifs du quidam discret et de la nymphette guévariste. Elle, fille d’un peintre algérien et d’une baba pas franchement cool, fornique à tout va pour exorciser un sordide souvenir d’enfance ; lui vit assez mal ses rapports avec ses bourgeois de parents, muselés par une pléthore de tabous – son père est un vétéran d’Algérie et sa mère, fille de Grecs juifs vraisemblablement déportés, renie ses origines par le silence. Les anecdotes cocasses, joyeusement entremêlées derrière des filtres super-8, servent de prétexte pour retracer les mutations sociales survenues depuis les années soixante-dix jusqu’à leur aboutissement baroque, foutraque (et foutu ?) : la société française contemporaine. Avec sa diversité culturelle, sa mixité sociale, etc.

On aura identifié le canevas critique et comique de Michel Leclerc. Identité, origines, couleurs politiques, communautarisme, autant d’agents de division dont il est toujours bon de se gausser. Il y a certes de quoi rire. Mais que conclure de neuf au vu de ces gesticulations interminables entre droitiers empâtés, cocos encartés et centristes perplexes ? Pas grand-chose, suggère Le Nom des gens. Son scepticisme goguenard se mue progressivement en un relativisme plutôt bienvenu, mais tout de même un peu trop débonnaire : faisons table rase des origines et du passé, rions, débattons et faisons l’amour en paix. Arthur Martin – c’est le patronyme tristou du héros – n’aspire pas à autre chose, et le film semble épouser son jospinisme incongru et naïf («Lionel », le trotskiste repenti, confirme d’ailleurs ses talents d’acteur dans une courte séquence). Reste que la causticité et l’impartialité en prennent un coup, et que les cibles, d’abord répudiées, sont finalement épargnées. Tout est pardonné à Bahia, la révolutionnaire butée dont l’idéalisme borgne est pourtant préoccupant. Un tour lui sera bien joué, mais avec une indulgence révélatrice d’un retranchement au centre-gauche un peu pépère et très convenu.

Ce dégonflement, toutefois, ne gâte pas les croquis outrés et plutôt efficaces que dessine le film. Sara Forestier, aussi horripilante qu’affriolante, maîtrise l’art de la vocifération militante de bout en bout. Dingue d’elle, Gamblin joue son rôle d’éternel fils de bonne famille sur une gamme à la fois penaude et sarcastique rarement rencontrée dans la comédie hexagonale. L’humour, personnel et vivace, est d’ailleurs la principale originalité de cette romance politisée, qui vaut moins pour sa manière de questionner son problème que pour sa propension à s’en moquer.