Dans ce monde en sucre candi construit à partir d’une sensibilité désincarnée, où les choses n’existent que virtuellement sous la forme d’une représentation édulcorée et symbolique, chaque instant qui passe a pour seule fonction de contribuer à illustrer quelques pensées légères et superficielles, toutes fondées sur un bon sens naïf à l’origine d’un univers à l’idéalisme trompeur. Atteint par un cancer, le jeune Marty transforme l’hôpital qui l’accueille en un vaste terrain de jeux. Bien entendu, cette débauche d’énergie vise à exalter les vertus thérapeutiques de ce type de comportement en mettant en évidence le rôle de la joie de vivre et de ses corollaires : volonté, courage et énergie. Mais en se limitant à un univers artificiel et bêta où la maladie devient invisible, les rapports humains schématiques et les personnages transparents ; où l’ensemble se complaît dans une effervescence sentimentale qui nie toute réalité humaine sans pour autant être capable d’atteindre une autre dimension (l’absurdité par exemple) ; le cinéaste n’accouche que d’un vague mensonge paresseux.

L’indispensable touche humoristique du film repose sur une interminable succession d’espiègleries simplistes et plus ou moins douteuses (piquer l’argent des vieillards dans leur chambre) supposées être attendrissantes. Le gosse rayonne et irradie un monde bêtement devenu adulte en lui montrant la voie de la spontanéité. L’enfant déjà roi accède au statut de divinité détentrice d’une intuition naturelle qui surpasse toute autre forme de réflexion. Marty peut donc en toute impunité torturer un pauvre vieux atteint de la maladie d’Alzheimer qui ne peut plus bouger ni parler. Grâce à lui, cet impotent misanthrope (la voix off, censée apporter un commentaire décalé avec effet humoristique, nous livre ses pensées) découvre l’amour des enfants et développe sa communication avec le monde qui l’entoure. En quelque sorte, il devient un peu plus normal au contact forcé de cette progéniture hystérique. Le cinéaste s’en remet aveuglément à ce postulat idéologique sans jamais le tester réellement, sans essayer d’aller au delà.

En se contentant de surfer maladroitement sur une vague d’idées toutes faites, Le Monde de Marty en oublie le monde sous-marin qui se trouve sous ses pieds. Un monde en creux, ersatz d’une sentimentalité plus complexe et intense, occupe tout l’espace du film et filtre désespérément tout embryon de vie.