Gabriel Aghion n’a jamais été réputé pour sa finesse (déjà deux monuments d’humour beauf à son actif : Pédale douce et Belle-maman), mais, avec son dernier film, il remporte haut la main le marathon de la connerie. Le Libertin n’est en effet qu’une suite graveleuse de gags minables et de mots d’auteur (le scénario est tout de même adapté d’une pièce d’Eric-Emmanuel Schmitt) étouffés par le cabotinage des acteurs. Au premier rang de cette parade du ridicule, Vincent Perez en… Diderot. A poil pendant un bon quart d’heure, Perez en fait des tonnes : enjôleur, séducteur, s’imposant dans toutes les joutes verbales avec un sourire fier, il incarne une fois de plus l’amant fougueux, le mâle valeureux et irrésistible. Rien ne le freine dans son ardeur philosophique, son énergie narcissique ; ni les chuintements d’une Fanny Ardant plus en forme que jamais (vas-y que, pour changer, je prends des poses et que je me la joue lascive, et mystérieuse, et impénétrable, etc.), ni les soupirs d’Arielle Dombasle, nympho adepte du broute-minou nous gratifiant de ses dons de cantatrice lors d’un mémorable concerto pour cochons (si, si). Cerise sur le gâteau Michel Serrault et sa finesse légendaire, en cardinal prêt à tout pour découvrir l’imprimerie secrète grâce à laquelle Diderot continue de diffuser son Encyclopédie proscrite par l’Eglise. Seule Josiane Balasko s’en sort avec les honneurs, campant malicieusement une baronne à l’affût de saveurs nouvelles et exotiques pour l’époque, comme le pop-corn ou le chocolat.

Cette lamentable troupe peine à improviser (Serrault est carrément en roue libre lors de la scène des confessions) et à mémoriser certaines tirades -notamment Perez. Des performances honteuses qui semblent dues à une direction d’acteurs trop lâche. Comme si son film n’était pas encore assez aberrant, Aghion a choisi d’accorder une place de choix à la musique de Bruno Coulais, mélange ahurissant de clavecin et de purée synthétique. Il faut dire que pour accompagner cette comédie épaisse, étroite (la représentation d’un esclave noir est à la frontière du racisme) et surtout jamais drôle, on ne pouvait rêver mieux. Afin que ce genre d’expériences ne se renouvelle pas de sitôt, il ne reste plus qu’à espérer le bide, sans tout de même trop y croire.