Laetitia Casta à fond les ballons sur une mobylette en plein Paris, Le Grand appartement commence en vitesse et à grand bruit. Un joyeux désordre de vaudeville tient ensuite la cadence de cette comédie plutôt bien menée. S’inspirant d’une période de sa vie où il hébergeait le cinéaste Jacques Rozier sous son toit, Pascal Thomas raconte les mésaventures d’une petite communauté bruyante et bohême. L’enjeu est très actuel, la question du logement à Paris et de la spéculation immobilière galopante : les occupants du grand appartement, Martin (Amalric) et sa femme (Casta), le pique-assiette (Arditi), la vieille grand-mère, la petite sœur et ses copines lycéennes sont menacés d’expulsion par la propriétaire qui veut vendre. Panique aux pénates.

La maison sens dessus dessous fait toujours recette, on l’a déjà vu dans Travaux, on sait quand ça commence… de Brigitte Roüan. L’affolement, les portes qui claquent, les allées et venues vont bon train, mais c’est surtout sur les acteurs que repose la virevolte. Les yeux ronds de Mathieu Amalric en homme-objet ahuri face au débit impeccable de Pierre Arditi (chaque syllabe qu’il prononce est une galipette) donnent lieu à un des passages les plus drôles du film, un quiproquo autour d’un téléphone portable et d’une bourde irréparable. Quant à Laetitia Casta, elle joue (parfois sur-joue) l’énergie et la conviction -il faut bien tout ça pour faire passer des dialogues pas légers-légers. Plus que la scène-scoop un peu déplaisante où elle se dénude, la révélation vient de ce moment étonnant et émouvant où Casta, le visage défait par les larmes et la colère, récite une réplique de La Flibustière des Antilles devant l’image granuleuse de Jean Peters. Une nouvelle femme pirate ? En tout cas la performance est prometteuse.

Difficile tout de même d’oublier le discours rétrograde et misogyne derrière la gaudriole. Les scènes de sexe frisent la grossièreté, les femmes sont de jolies fofolles bien dévouées qui veillent au grain tandis que les hommes sont des artistes. L’altérité sociale se réduit à quelques intrusions et à quelques clichés douteux : un jeune beur délinquant et débile, une famille d’Africains au légendaire sens de l’hospitalité. Quand au décor très Amélie Poulain, il ne sort guère de la nostalgie du vieux Paris, des bistrots de quartier et des bons produits du terroir. L’anarchie bien sage du Grand appartement maintient chacun à sa place mais dans ses meilleurs moments, la farandole reste entraînante.