Désirée, lycéenne, est une « squale », autrement dit une fille qu’il vaut mieux ne pas compter parmi ses ennemis. Violente, irascible, l’adolescente ne reçoit d’ordre de personne, et surtout pas de sa mère, qui l’a élevée seule. De père, Désirée n’en a jamais eu, bien qu’elle affirme être l’unique descendante de Souleymane, ancien héros de la cité mystérieusement disparu. Lorsqu’elle tombe amoureuse de Toussaint, un caïd aux pulsions dangereuses et incontrôlables, ses défenses vont être mises à rude épreuve…

On s’empressera de ranger La Squale, premier long métrage de Fabrice Genestal, dans la catégorie « film de cité ». Etiquette forcément réductrice qui circonscrit pourtant un certain nombre de fictions s’emparant toutes des mêmes constats et sujets : la rage d’un Paris extra-muros, ses conditions de vie souvent misérables, ses codes et systèmes propres. La Squale ne fait donc pas exception à la règle, et s’inscrit au sein d’une lignée encore en devenir, partiellement assimilée par quelques cinéastes reconnus (Jacques Doillon et ses Petits frères), mais fréquentée la plupart du temps par de jeunes auteurs. De ce « genre » dont on espère qu’il n’en sera bientôt plus un (à quand un musical à La Courneuve ou un film gore à Pantin pour décloisonner tout ça ?), le film de Genestal reflète le meilleur comme le pire.

Le pire, c’est la tendance « Kasso ». Personnages aux frontières du cliché (Désirée, rebelle qui, sous ses dehors sauvages, cache une sensibilité à fleur de peau), dialogues parfois trop écrits, séquences faciles (le pillage de la parfumerie des Champs-Elysées, qui fonctionne exactement comme La Haine et son vernissage parisien), tentation de l’imagerie (le dernier plan sur la plage anglaise, complètement hors sujet). Si l’on ajoute que La Squale souffre de vices de scénario assez grossiers -dont un monologue ridicule de Denis Lavant en ex-taulard-, le cauchemar semble complet. Heureusement, le film lorgne également du côté de Ma 6-T va crack-er. A l’instar de Jean-François Richet, Genestal sait filmer la violence de front, sans complaisance ni quête de choc, mais avec un souci de pénétrer au cœur du chaos, même s’il est ici davantage d’ordre sexuel que séditieux. Lors d’une première scène relatant un viol sous forme de gang bang, le cinéaste montre la barbarie de certains rites et l’implacable pouvoir du collectif, vers l’anéantissement des individualités. La tension instaurée par ces terribles prémices ne se relâchera quasiment pas, suscitant l’angoisse du dérapage avant son effet, pointant les signes du malaise puis leurs conséquences brutales. Voilà la force de La Squale, dont on regrette qu’elle soit, dans l’ensemble, amoindrie par trop de partis pris moins courageux…