On ne donnait pas cher de la peau de cette Légende d’Hercule, mais reconnaissons qu’avec son escarmouche introductive façon cinématique d’Ages of Empires, Renny Harlin a le mérite de ne donner d’emblée aucun espoir sur son aptitude à maquiller les dégâts. Pour un habitué à la seconde division du blockbuster (Cliffhanger, Driven), le péplum est un genre plutôt gratifiant : sa poésie des jupes et des corps bodybuildés, sa grande parade de complots et d’Oedipe mal digéré forment une matière plutôt opportune. La liste d’exploits d’Hercule étant longue, ses ramifications familiales étant profondes, il n’y avait en outre qu’à se servir et passer à la caisse. Dommage, dès lors, qu’à l’éventail mythologico-picaresque offert par ce généreux buffet, le script se réfugie derrière la valeur sûre, le menu tout fait. Copier/coller de Gladiator (recyclé mirmillon, Hercule doit gagner la foule pour gagner sa liberté), le film réduit à peau de chagrin la légende de son héros, qui ne rentrera en collision avec son destin qu’en bout de course.

Son destin, à ce propos, en quoi consiste-t-il ? Être un demi-dieu, c’est-à-dire, en gros : dépasser les limites de l’homme, épouser la surpuissance divine, ne plus rencontrer aucun obstacle terrestre qu’il ne soit capable de faire plier. En préambule du dernier 300, on suivait Xerxes encore jeune prince parti dans le désert faire le deuil de son père. Abruti par la traversée, ravagé par la soif, il tombait sur une grotte remplie de forces surnaturelles, et au fond de laquelle un bassin de jouvence lui permettait rien de moins que de se transformer en demi-dieu. Frêle, cramoisi, hirsute, l’homme disparaissait sous l’eau pour se débarrasser de tous ses attributs terrestres (taille, gestuelle, peau, voix), et ressortait en formidable drag queen high-tech, grave et triomphante, longue tige démantibulée à la peau aspergée de laque numérique. Sans trop y croire, certains avaient accablé le premier épisode du titre un peu louche de divertissement facho, éloge neuneu de l’autoritarisme et de la volonté de puissance individuelle, sans voir à quel point la virilité s’en tenait à la pure démonstration cosmétique : on se régalait de ballets strictement calligraphiques, où des butors aux pectoraux de synthèses agitaient leur glaives comme des petites filles feraient tourner leur robe.

On se serait retenu d’accabler ce Hercule rabougri de la comparaison avec son cousin spartiate, si seulement Harlin s’en était tenu aux bons vieux acquis de l’actionner hétéro-beauf. Malheureusement, complètement sourd à son inexorable devenir nanar (la séquence du fouet éclair, du niveau d’un vieux Power Rangers), le film redouble d’effort pour se mettre à la page. Et en voulant épouser les plis rococo du genre, sa profusion de courbes et de gerbes en fractales, Harlin fait reluire sa musculature en vain, tronçonne ses bastons de ralentis comme s’il découvrait le bouton « Effet » sur Final Cut. Que son acteur principal Kellan Lutz, aussi charismatique qu’une prise électrique, ait été recalé pour le récent massacre de Conan en dit d’ailleurs long sur l’héritage cabossé de cette série B sur-friquée (70 millions de dollars : mais où ?) qui peut éventuellement susciter la compassion dans son application, malgré sa difformité naturelle, à tout entreprendre pour faire illusion jusqu’au bout, comme un laideron achèterait la même robe que sa copine en espérant qu’elle la rendra belle. Au fond, Snyder l’avait bien compris, le péplum est devenu un genre pour princesses.