« Il était une fois, une petite fille extrêmement têtue et impudente qui n’écoutait pas ses parents et qui n’obéissait pas quand ils lui avaient dit quelque chose. Pensez-vous que cela pouvait bien tourner ?  » (J.& W. Grimm, Dame Trude, La Sorcière in Contes). Ainsi commençaient, autrefois, les contes que l’on racontait aux enfants, non dans le simple but de les distraire mais surtout de les éduquer. Il est à craindre que, rentrant dans la sphère du commerce hollywoodien, cette fonction essentielle du conte se soit définitivement perdue, remplacée par une morale de la distraction dont l’unique mot d’ordre est de conforter nombre de clichés véhiculés par notre « société du spectacle » (les méchants sont mauvais, les gentils sont bons, l’innocence est pure, etc., etc.). Or, s’il n’y a là rien de nouveau, La Guerre des fées permet d’évoquer l’état du film pour enfant.

L’idée de génie de notre bon Michael Ritchie -auteur oublié de Golden Child, l’enfant sacré du Tibet ou autre Parle à mon psy, ma tête est malade– est de faire une adaptation contemporaine des contes d’autrefois en remplaçant la bonne fée par un épigone masculin, Murray. Il incarne une fée cancre, d’une inénarrable bêtise et, censé ainsi attendrir nos jeunes têtes blondes qui, du fait de la supériorité intellectuelle qu’on leur donne sur le personnage, l’adopteront d’autant plus facilement. Entre les deux possibilités qui consistent à prendre soit les personnages que l’on représente pour des imbéciles ou prendre le spectateur lui-même pour un imbécile, il n’y a qu’un pas qui est dans La Guerre des fées, une fois de plus, allègrement franchi. Et à partir de là toutes les bonnes intentions du monde ne pourraient rien faire pour donner à un tel film une quelconque légitimité.

D’autant plus que, dans sa volonté purement distractive, La Guerre des fées échoue aussi lamentablement. L’histoire n’est qu’une vaste accumulation de gags poussifs et sans inventions : une petite fille qui, ne voulant absolument pas quitter Central Park où elle habite avec son père (chanteur veuf au chômage) et son frère pour se rendre au fin fond du Nebraska, fait appel aux fées pour qu’elles aident son père à réussir une audition passée à Broadway. Significatif de la bêtise du film, ce passage où « la bonne fée homme » et la fillette se retrouvent tous deux dans le Nebraska face à un paysan fou furieux et barbare, après avoir raté son tour de magie. La complaisance citadine à montrer l’homme de la campagne comme un sauvage primitif en dit long sur la bassesse intellectuelle de nos « marchands de rêves »…

Si La Guerre des fées est une charge de plus à verser au dossier des « films pour enfants » manqués, c’est cette notion même qu’il s’agirait de remettre en cause, comme stratagème d’adaptation de nos bambins au système de consommation, par les cyniques marchands d’Hollywood.

Un seul conseil donc, épargnez vos enfants en leur évitant de subir cet ultime Waterloo de l’intelligence. Plus saine sera une balade dans un parc ou l’achat d’une boîte de cubes. Au fait, voulez-vous connaître la fin du conte des frères Grimm ?