Les Ailes du désir de Wim Wenders, dont ce film est l’adaptation hollywoodienne, était une véritable révélation lors de sa sortie, il imposait le style de l’auteur et ouvrait la voie à une nouvelle forme de poésie cinématographique. Il y avait dans le sujet du film -sommairement, un ange déchu par amour- de quoi intéresser Hollywood, surtout dans cette période où la panne générale de bonnes idées incite au copiage, aux remakes ou aux suites. Cependant, Les Ailes du désir était un film d’auteur, une vision personnelle d’un mythe et, par delà la miévrerie apparent du sujet, le film était aussi un hommage à Berlin et montrait une galerie de personnages insolites face à l’absurdité de la vie. Cette sensibilité est assez négligée par cette adaptation et il ne serait pas faux de trouver dans le film une énième manière de refaire un mélodrame façon « love story » pour satisfaire le besoin lacrymal de certains spectateurs. Cette adaptation trahit-elle de manière éhontée l’original, (qui est, ceci dit en passant un des plus grands films des années 80) ? EVIDEMMENT !

Mais ne nous amusons pas à enfoncer des portes largement ouvertes et constatons que le film, au delà de la déception, toute prévisible, qu’il peut procurer pour qui a vu le film de Wenders, n’est pas dénué de certaines qualités.
Brad Silberling, réalisateur du monocorde Casper, a vu et compris le film de Wenders et n’a pas essayé de le transposer fidèlement, en fonction des codes hollywoodiens. Sachant manifestement l’échec certain de cette tentative, le réalisateur a choisi délibérément de tout simplifier, non seulement la trame -le film est uniquement axé sur l’histoire d’amour entre l’ange Seth (Nicolas Cage) et Maggie (Meg Ryan), une cardiologue réputée- mais aussi les personnages. Ainsi, contrairement au film original, les anges peuvent prendre une apparence humaine, même si leur mission exige qu’ils restent invisibles à ceux dont ils ont la charge. Une assez mauvaise idée qui déroute le spectateur, réduisant considérablement le fait que les anges ne sont pas, à proprement parler, vivants et qui rend impossible toute interprétation métaphorique voulue par l’auteur concernant ceux-ci. Cependant, le film développe assez bien le fait qu’il est impossible pour Seth et Maggie de vivre dans le même monde et que tout les sépare, hormis l’attachement réciproque qu’ils se portent. Seth, en renonçant à sa condition, sera condamné à lutter contre ce qui est un fait immuable. Ainsi, même si le réalisateur n’exploite que l’histoire d’amour du film initial, au moins le fait-il avec un certain bon sens.

Mais La cité des anges n’est pas dénué d’une certaine poésie et d’un certain sens de la mise en scène que l’on peut facilement remarquer si l’on n’est pas irrité à priori par la prétention de cette tentative par avance ratée. Ainsi les scènes dans la bibliothèque municipale où se réunissent les anges sont magnifiques, l’espace est envahit par ces entités vêtues de noir, figures invisibles mais omniprésentes guettant chaque réflexion et chaque mouvement des humains. La bibliothèque est à la fois un lieu sacré et le théâtre des relations entre Seth et Maggie. De la même manière, les rassemblements des anges sur la plage au lever et au coucher du soleil est une riche idée. De plus, le film bénéficie d’une musique somptueuse de Gabriel Yared, peut être sa meilleure composition, littéralement envoûtante qui rend beaucoup de moments féeriques. Pour rendre hommage au film original, le réalisateur a pris soin de faire interpréter le personnage jadis incarné par Peter Falk (alias Colombo) par un Colombo contemporain, Dennis Franz, le commissaire Andy Sipowicz dans la légendaire série New York P.D Blues; Un clin d’oeil bienvenu et modeste.

Ainsi La Cité des anges est un film soigné, particulièrement pour un mélodrame, (souvent pris pour un genre bâtard) mais qui ne résiste pas à la comparaison avec l’original. Ce film ne dément pas la maxime « toute adaptation est une adaptation ratée » mais gageons que le résultat aurait pu être bien pire et il valait mieux simplifier le film de Wenders qu’en faire un « remake » éhonté. Ainsi, l’intégrité du film de Wenders est sauve, celui de Silberling ne se contentant que de lui prendre certaines idées.