Etablir une cartographie rigoureuse de l’amour, sous toutes ses formes, telle est l’ambition affichée de Willard Carroll, le réalisateur de La Carte du cœur. Pour ce faire, son film entrecroise les destins de divers individus, un vieux couple, une célibataire endurcie, une femme adultère, etc. Autant de représentants des diverses manifestations de ce sentiment, afin de former, ce qui est devenu en genre en soi, un film « choral ». Mais il ne suffit pas de passer d’une histoire à l’autre, de revenir régulièrement sur les personnages pour réussir un tel projet.

Ce type de film fonctionne comme une partition dans laquelle chaque élément existe en fonction des autres : celle de Willard Carroll est bien trop dissonante pour pouvoir former un ensemble harmonieux. Autant le couple formé par Sean Connery et Gena Rowlands nous apparaît attachant, autant celui formé par une post ado hystérique et un jeune homme atteint du sida agace. La coexistence de ces divers individus est uniquement due au projet globalisant et par trop ambitieux du réalisateur. Il ne s’établit jamais de circulation entre eux. Prises de manière séparée, certaines de ces entités auraient pu présenter un réel intérêt ; ensemble, leur fonctionnalité trop évidente révèle l’extrême artificialité de l’entreprise. Au dernier moment, tout ce petit monde se retrouve réuni à l’occasion d’une grande fête, permettant ainsi au spectateur de découvrir les liens qui unissent les personnages. C’est trop tard, le spectateur n’y croit déjà plus depuis un bon moment et cette fin ne fait qu’accroître l’aspect factice de l’ensemble.

A force de vouloir trop embrasser, le réalisateur n’étreint pas grand chose. Le seul atout de cette carte du cœur étant les comédiens, qui, dans l’ensemble, interprètent avec justesse et finesse leur rôle.