Cette oeuvre a tout d’une brindille en effet, légère, fragile, tout à fait dérisoire. En soufflant sur elle assez fort, Emmanuelle Millet parvient cinq minutes à la faire s’envoler et la distinguer du téléfilm de base. Sarah, 20 ans (Christa Theret) apprend soudain qu’elle est enceinte de six mois. Elle perd son travail, rejoint un centre rempli de jeunes péronnelles qu’elle déserte un peu, surtout lorsqu’elle rencontre Thomas, un étudiant (Johan Libéreau) pourvu d’un scooter avec deux casques. Et puis c’est l’accouchement. Et l’histoire est finie. Avant d’être un film mettant en scène des personnages, et racontant une histoire, La Brindille est un film sur le déni de grossesse. Ligne thématique d’une rigidité handicapante, imposant un régime documentaire d’une froideur didactique, que viennent couper quelques artifices censés faire émerger la fiction : d’abord, scrutation permanente du corps et du visage de la mariale héroïne, pour rendre sensibles l’emprise d’un destin et la présence de tourments intérieurs, auxquels on restera de toute façon étrangers (car bien sûr personne ne peut la comprendre). Malveillance ou dureté caricaturale, également, des autres personnages ; mise en place d’un agaçant misérabilisme moral. Enfin, et c’est le plus notable, promesse d’une véritable tangente à travers la relation Sarah / Thomas qui n’aboutit, en bout de course, qu’à des scènes d’une banalité rase (escapade en scooter palpitante comme un épisode des Vacances de l’amour). Il est peu surprenant finalement que cette amourette incongrue soit le plus gros passage à vide du film : dans La Brindille, la vraie fiction se joue en creux.

On croit comprendre que la fiction, ce n’est pas le déni de Sarah, mais l’enfant porté (scène inquiétante de l’échographie sur ventre plat, pendant laquelle le fœtus semble n’exister que sur l’écran), manière d’épouser totalement la sensibilité de la future maman, de décrire sa stupeur d’au plus près. Si la chose est possible, La Brindille – c’est à la fois son tort et ce qui permettra de rendre sa scène principale (l’accouchement) presque bouleversante – fait un déni de fiction. Pendant l’accouchement, donc, gros plan sur le visage de Sarah, un visage en lutte, une peau écarlate, un front ridé indiquant surtout la douleur d’accoucher d’une idée, d’une pensée si profondément refoulée. Quelque chose d’un concept prend corps en temps réel, qu’on l’entende au sens religieux, ou artistique ; sentiment que d’une idée, un personnage (enfant) arrive et qu’enfin le film se met à battre. Avec toujours cette hypothèse folle qu’une sorte de rien sortira du ventre. Qu’importe s’il aura fallu attendre une heure quinze pour assister à ce beau moment.