Dommage que ce petit thriller fantastique ne parvienne pas à la hauteur de son incroyable rentabilité financière. L’Exorcisme d’Emily Rose avait pourtant de quoi séduire le cinéphage en quête de perles, entre un staff discrètement Eastwoodien (Laura Linney vue dans Les Pleins pouvoirs et Mystic river, éclairée par Tom Stern, le dernier chef op de Clint) et un sujet par essence culte. Hélas, l’inconnu Scott Derrickson aurait dû le rester : pas un gramme de mise en scène ici, le fantastique n’étant pas plus poussé que celui d’un opus de la collection « Vertiges » sur M6. Conséquence logique, qui leste pas mal de produits similaires, un pensum bavard qui prend très au sérieux la philo de bazar.

La mise en place n’était pourtant pas si nulle, égrainant justement les bons ingrédients déjà cités. Après examen du cadavre de la jeune Emily Rose par un médecin légiste dans une ferme isolée, on arrête le prêtre chargé de son exorcisme pour meurtre. Il sera défendu par une jeune avocate plus ambitieuse que spirituellement concernée, avant que les forces du mal ne viennent titiller son esprit rationnel. Et le film de plonger dans une paresse pure et parfaite colmatée par quelques pirouettes d’apprenti scénariste. De l’échec de poser un climax flippant faute d’idées (et non de moyens, il suffit de voir la splendide photo de Tom Stern, qui reste impressionnante même quand il copie Argento), Derrickson se raccroche à l’opposition croyance / rationnel. Thèse fourre-tout d’une facilité déconcertante développée en plus dans le cadre d’un énième film de prétoire, dans un bout-à-bout de plans moyens soporifiques. D’un côté, l’avocat général (Campbell Scott) qui revient toujours à l’expertise médicale dans un déluge de vannes cinglantes ; de l’autre, la pépette mouchée qui se rattrape au dernier moment par quelques tirades qui viennent du coeur.

Seulement voila, Derrickson ne se contente même pas de ce simple débat intellectuel, pourtant tiré avec force fierté d’une histoire vraie. Alors il lâche le suspens de l’ambiguïté coupable pas coupable et vend la mèche au bout d’un quart d’heure, faisant du prêtre un martyr et du surnaturel une réalité qu’il se colle à filmer comme il peut. Soit en filant la patate chaude aux techniciens (les rares effets spéciaux, tous seuls pour déclencher les sueurs froides) ou aux acteurs (oeil révulsé contre oeil inquiet), soit en se coulant dans l’imaginaire collectif. C’est-à-dire une pâle resucée de l’histoire du cinéma fantastique, plus une estampille qu’une reproduction racée, en tout cas la preuve certaine qu’on ne tient pas là le Shyamalan de demain.