Deux comédies bien de chez nous cette semaine, Le Carton et L’Enquête Corse. Si le silence s’impose sur le premier, sorte de post-La Boîte complètement foireux (le non-film véreux de Claude Zidi), honneur au second, qui sans aller bien loin trouve un bel équilibre entre une forme modeste et des effets pour la plupart gagnés d’avance. Modeste ne signifie pas pauvre (voir, encore, la calamiteuse réalisation à l’aveugle, ultra-rigide, du Carton), plutôt en phase avec la portée limitée du film. Il y a une fermeté totalement rassérénante dans la mise en scène d’Alain Berbérian, un métier qui permet de jouer sur plusieurs niveaux sans faiblir : la farce totale autant que la tranquille description du quotidien, le burlesque comme la romance de gare décomplexée.

De la bande-dessinée de Pétillon, inutile de préciser qu’on se moque éperdument pour juger le film, tant celle-ci demeure ici uniquement à l’état de prétexte / concept bien carré : les tribulations d’un Parisien pure souche dans le monde enchanté et champêtre de l’île de beauté, ses paysans patibulaires, ses extrémistes de ball-trap, ses montagnes verdoyantes et ses maquis recelant de truculents bandits en cavale (ici Jean Reno). L’énorme surprise du film, en fait, vient de Christian Clavier, has-been ces derniers temps qui trouve là l’occasion d’exceller comme jamais. Toujours juste, le comédien trouve dans le cadre écrasant et folklorique du film matière à exprimer une folie burlesque toujours amortie, comme adoucie par les événements et rebondissements alentours. Emettrice et réceptrice des gags, la gestuelle maladroite de Clavier se cogne littéralement contre la force monolithique de Reno, ce qui était déjà le cas dans Les Visiteurs, mais trouve ici un cadre qui dépasse peu à peu le simple duel de caractères : multiplicité des personnages secondaires, rendu lumineux des décors naturels, cheminements tordus et jamais linéaires où chaque gag trouve le temps de gonfler jusqu’à éclater pleinement (la scène absolument irrésistible des polyphonies dans l’hôtel).

Un film attachant et efficace en somme, qui sait prendre son temps, faire respirer ses gags, trouver enfin une remarquable alchimie entre récit classique et trouées comiques jamais gratuites sous leur apparente absurdité. Le rythme picaresque de cette Enquête corse, sa petite folie tranquille représentent exactement ce qui manque à nombre des comédies expérimentales sorties ces derniers temps : ne se posant aucune question générationnelle (ni dans l’avant ranci ni dans l’après tendance), avançant apaisé sur l’héritage d’un genre qui demeure, malgré son actuelle fébrilité de surface ces derniers temps, la seule trace d’un authentique cinéma populaire français.