Problèmes du cinéma français, suite. Aujourd’hui, le pull-over des gendarmes. Gros problème, ou syndrome, qui chante fort à la vision du premier long-métrage de Pierre Erwan Guillaume, ancien élève de la Fémis connu jusque là pour ses scénarii, notamment celui du beau Haut les coeurs ! de Solveig Anspach. Qui chante fort dans le jeune cinéma français tout court, dont l’auscultation méthodique révèle souvent ce genre d’abcès. Donc, le pull-over de la gendarmerie nationale : manière textile de raconter ce goût du jeune-cinéma-français ascendant Fémis pour un sous-genre facilement repérable, qu’on voit toujours arriver de loin. Ses composants : D’abord, le polar, oui, ou plutôt le genre policier, mais alors sans un coup de feu, pas une ombre de crosse. Juste un décalage, un jeu avec les codes, sur le mode de la déflation. Et puis, si possible, un jeune inspecteur fragile. Ensuite, la province, élément capital. Ou plutôt un imaginaire provincial, plus vrai, plus décalé. Troisième ingrédient, enfin, soumis à de multiples variations : un mystère sexuel.

Ici, avec L’Ennemi naturel, cela donne : un crime à élucider en Bretagne (et ses paysages sauvages) ; un jeune flic timide et facile à perturber ; un prédateur sexuel équipé d’un énorme sexe ; des gendarmes en pull-over, plein partout. Faiblesse, étroitesse d’esprit, pauvre imaginaire de ce cinéma, qui se réfugie dans une série de fausses audaces (les fameux décalages) pour masquer son vide. Un peu comme le gros sexe d’Aurélien Recoing, une prothèse bien vite trahie, gros rouleau à pâtisserie qui lui pendouille entre les jambes. Un peu comme ces paysages bretons, qu’un acharnement informatique s’épuise à rendre sauvages, rocailleux, pulsionnels, pour coller au sujet (le désir, les pulsions, ce qu’il se passe de louche et d’attirant dans les chambres des maisons isolées du Finistère. Eternel et vain jeu de l’attraction et de la répulsion, en un mot du désir trouble pour les volcans sexuels, en un mot puissance occulte du désir, à laquelle il est impossible de résister, puisque, pour ce cinéma, quand on a dit « désir », il n’y a rien à rajouter. Mais tant qu’il passera par prothèses et béquilles, il bandera mou.