Zombie revu et corrigé par les émules de Michael Bay, le postulat de L’Armée des morts pourrait angoisser le cinéphage le plus dévot. Après Tobe Hooper et son Massacre à la tronçonneuse (cf. la chronique du remake), c’est donc au tour de George Romero de voir son oeuvre revancharde se transformer en prototype de multiplexe. De cette franchise périlleuse, ce remake remplit pourtant son contrat avec une habileté inespérée. Et va même au-delà : aussi virtuose formellement que subversif sur le fond, L’Armée des morts laisse espérer un assainissement bienvenu des fondations des grosses machines hollywoodiennes.

Sensiblement similaire à l’opus originel, le scénario n’opère qu’une réactualisation aussi sobre qu’efficace. De la découverte du consumérisme des années 70, les personnages goûtent une dernière fois aux joies perverses d’un mode de vie établi en se barricadant dans un centre commercial, frêle oasis prise d’assaut par une nuée de morts vivants enragés. La charge politique change donc de cible : le chaos n’est plus une anticipation vacharde mais la résultante directe d’une réalité palpable. Logiquement, les zombies franchissent à leur tour l’étape supérieure: menaçants et crades dans le premier, ils deviennent ici agressifs et d’une vigueur rageuse. Le néophyte Zack Snyder a bien compris ses changements multiples de contextes. Semblable à une grande ligne droite, son film capte la violence pour sa pure efficacité dramatique. De ce « plus vite, plus fort, plus gore », il trouve un équilibre remarquable entre respect idéologique du fond et respect scrupuleux des lois du blockbuster.

Vétéran publicitaire, Snyder reproduit au cinéma ses ficelles propagandistes : recycler les procédés télévisuels du moment pour instaurer un climax de terreur (vidéos, inserts chocs de plans fixes dans les séquences d’action pure comme une photo racoleuse d’un magazine) et utiliser l’imagerie du jeu vidéo (vue aérienne, plan subjectif de shoot’em-up) pour retrouver la jouissance cathartique de la destruction et des tueries factices. Plus subtilement opportuniste que bassement malin, ce savoir-faire booste les ficelles artisanales des faiseurs hollywoodiens. La greffe des procédés du clip et de la pub, présents depuis longtemps chez Bruckheimer mais toujours réduits à l’état de fioritures visuelles et boursouflées, a enfin parfaitement cicatrisée. Loin devant les feux artifices minables ou bancals, à mille lieux des nauséeuses ratatouilles de vignettes gratuites, L’Armée des morts s’avère une commande idéalement manufacturée.