Chacun sait où vont les comédies romantiques : à la plage ; ou sur toute autre étendue lyrique, d’ailleurs, où pourront se découper, dans le contre-jour, les étreintes verticales des deux niais qui auront passé une heure et demie à se renifler l’arrière-train. Chacun sait en outre que chacun le sait. Personne n’est dupe, au carré. Tel est le charme particulier, ou la difformité du genre, de n’être qu’un puzzle à reconstituer, guère plus qu’un jeu un peu obsessionnel, qui consiste à tout remettre en place, comme il se doit. Drôle de lieu à investir, à première vue, pour l’écrivain nihiliste, revenu de tout (en titubant), que celui de la tergiversation sentimentale. C’est pourtant avec des films désormais vidés de sens, injectés d’amours hypocrites que rivalise ici Beigbeder. Depuis The Shop around the corner, de Lubitsch, qui l’avait formalisé dans sa structure actuelle, le genre semble avoir perdu toute conviction, souvent toute croyance autre qu’en l’efficacité mécanique de sa forme.

Dans ce contexte, un titre littéraire tel que L’Amour dure trois ans semble à propos pour travailler de l’intérieur un type de cinéma paralysé par son scepticisme. Son héros, Marronnier (Gaspard Proust), chroniqueur mondain noyé dans la nuit parisienne, voit son mariage gagné par une lassitude irrémédiable. Rapidement divorcé, il n’y croit plus et s’enfonce dans la fête perpétuelle, l’alcool et les relations sans suite. Alors que l’écriture d’un premier roman, bientôt publié, lui permet de formaliser ses doutes et son cynisme, la charmante Alice (Louise Bourgoin), rencontrée à un enterrement, va représenter une possible échappatoire. Partant de Woody Allen (bons mots, distance, couardise, adresses à la caméra…), le film de Beigbeder ambitionne clairement le style de ceux d’Apatow. La multiplication des aphorismes et postures comiques attendues, les emprunts divers, la lourdeur de certains clins d’oeil, le jeu incertain de Proust l’éloignent pourtant d’emblée du naturel flottant, aéré, de l’Américain. Les dialogues ont une tendance à s’écouter déployer des sentences définitives et spirituelles, bien que souvent poussives.

Beigbeder abuse d’une assurance tout risque, du confort habile qui consiste à se dédouaner en permanence de tout ce qu’il avance. La distance prise sur tout, même sur la proposition principale du film (l’amour qui durerait trois ans), adroite manière de ne rien dire, finit par irriter. Au fond, qu’attendre de plus de celui qui passe sa vie à ne croire en rien et à le dire ?

A ce titre, la fin de L’Amour dure trois ans réserve tout de même une surprise (outre un assez beau plan final), tant elle s’abandonne in extremis à une sorte de naïveté salvatrice. Dans un mouvement de lâchage kitsch et foutraque (galvaudage radical d’un Joey Starr intenable), le film semble dire à tous ceux qui ont bien voulu lui prêter un regard, qu’il ne sait plus, qu’il s’en fout d’ailleurs, et que le sentiment se doit, pour vivre, d’être tenté. C’est une exposition potentielle à la moquerie, au premier degré, où point finalement une forme de sincérité.