Légende vivante du Mossad pour avoir tué un haut dignitaire nazi dans les années 60, Rachel Singer se renfrogne lorsque trente ans plus tard, sa fille publie un livre à sa gloire. Sous l’histoire officielle se cacherait donc une vérité moins glamour qui ébranlerait la famille jusqu’aux institutions d’Israël, obligeant Rachel à sortir de sa retraite pour finir le boulot, replonger dans le passé. Roulements de tambour.

Que L’Affaire Rachel Singer soit le remake d’un film israélien de 2007 (La Dette, d’Assaf Berstein) est anodin. Ce qui frappe davantage avec le film de John Madden, c’est sa dimension vintage. Moins sa reconstitution des sixties (il y a beaucoup de flashs back durant lesquels young Rachel est incarnée par Jessica Chastain, mille fois plus translucide que dans The Tree of life), que sa facture très 90s correspondant aux cahiers des charges de la grande époque Miramax – le film est d’ailleurs produit par La Weinstein company, nouvelle officine des terribles frangins, et Madden fut jadis un de leurs faiseurs préférés (remember Shakespeare in love). Tout est là : images léchées, enrobage de l’action dans le mélo historique, souci d’efficacité du blockbuster au service de préoccupations plus adultes, voire bourgeoises, plaisir un peu forain de la composition – les acteurs hollywoodiens parlent anglais avec l’accent israélien.

Revival pas très passionnant donc : le décalage temporel souligne combien ce cinéma-là était sclérosé et un peu balourd. Sur ce point, L’Affaire Rachel Singer en remet une triple couche, confirmant que du côté de la mise en scène, sortie d’un programme pré-établi par les conventions du genre, il a vraiment du mal. Un flash-back en ouverture présente la version de l’histoire de l’assassinat du nazi par le Mossad. Le bad guy se libère de ses chaînes, assomme Rachel puis s’enfuit de la planque avant d’être tué d’une balle par sa geôlière qui retrouve in extremis ses esprits. Plus tard, Madden remonte le temps d’une semaine ou deux : préparation du guet-apens, installation du triangle amoureux entre les agents du Mossad, capture du nazi… Jusqu’au fameux flash-back, imposé une seconde fois dans son intégralité (la scène dure cinq bonnes minutes), cadré tout pareil. Nulle relecture obsessionnelle à la De Palma ici, mais simplement un aveu de faiblesse terrible et au fond presque touchant. Conscient de sa redondance extrême, le film n’a pas d’autre issue que de suivre ses rails, fondant vers son destin préprogrammé : servir du réchauffé.