Le Catalan Marc Recha est un poète, mais chut, c’est un secret. Fasciné par la figure d’un journaliste mort dans les années 60, il embarque son frérot pour une virée baba en pleine nature : pique-nique, bronzette, baignade à poil, partage du pain. Persuadé d’être au-dessus du monde dont il se rêve le troubadour cul nu, Recha poursuit son éloge du cosmos selon la même liturgie que ses précédents films. C’est-à-dire un catéchisme qui ressemble de loin à du Terrence Malick discount, et de près à du scoutisme transcendantal : baisouille avec le grand tout de l’univers, lyrisme en toc et en stock, exaltation superficielle faussement puriste de l’Etre, auto-satisfaction à s’élever au-dessus du commun des mortels, incapables de respirer tout ce qu’il y a de poétique dans la dégustation du saucisson au grand air. Soit à peu près tout ce qu’on rejette du cinéma d’auteur sur son versant pataugas, quand il martèle des grands « chut ! » : chut, la vie est un mystère, le cinéma est un secret que je capte pour vous, mais en silence.

La prétention clignotante à la poésie, rien de pire au cinéma. Surtout quand elle revêt, comme ici, un poncho roots. Certes la lumière (Hélène Louvart) est belle, les paysages sont rudement jolis, ces ombres de nuages qui courent sur la colline, tout ça, ça ne manque pas de flatter l’oeil. Ce qui consterne, c’est l’idée du cinéma véhiculée par ce genre de film de curé défroqué. Jours d’août est foutrement hypocrite, parce que sous ses airs de barde en sandalettes, Recha vise le grand art, l’art officiel, qui s’épelle en vérité ainsi : fragilité singée, frisson politique bobo, modernité déconstructive nombrilo-centrée, rebel attitude against da society, marginalité de façade, suffisance à tous les étages. Un académisme déguisé et prestigieux, le plus redoutable. Jours d’août, c’est le coup de trique qui vous remet en place si vous vous êtes abandonné, par exemple, à voir un film américain : le retour de la vraie vie contre celle vendue par les marchands. C’est gentil de penser à nous.

On s’ennuie à mourir devant ce pique-nique taiseux, mais c’est bon signe, ça fait auteur. On s’est assez souvent moqué des élans philosophiques d’un Jean-Marc Barr quand il quitte l’autoroute pour jouer les illuminés chez les rednecks (Too much flesh), pour ne pas lui faire l’offrande d’un compagnon d’infortune en la personne du cinéaste Recha. Au fond, même romantisme pseudo-libertaire. Et rien de plus insupportable et malsain qu’un film drapé dans des intentions de pureté, d’intransigeance, comme ce Jours d’août qui vous murmure à l’oreille que vous êtes du bon côté, mais qui est trop radin pour vous filer un peu de son panier-repas. Donc ça craint le boudin, mais chut, c’est un secret.