La relative nullité de la production fantastique contemporaine offre parfois, le temps d’un faux-film événement (Donnie Darko) ou d’une éphémère esbroufe qualifiée de phénomène ou de révolution en marche (l’Espagne aujourd’hui), l’illusion d’une qualité retrouvée. Pour le renouvellement du genre et une véritable redéfinition de ses codes et de ses frontières, le problème est tout autre. Jeepers creepers, comme avant lui les produits m’as-tu vu d’un Amenabar, renoue avec un esprit de tradition pur et dur. C’est ce qui fait son charme -un peu de soin et de rigueur suffisent généralement à surpasser n’importe quel produit courant- mais aussi son ineptie profonde.

L’intrigue (un frère et une sœur plongée dans une sombre histoire de croquemitaine) n’apporte rien. La mise en scène, d’une froideur très scolaire, non plus. C’est précisément ce côté intérêt 0 qui rend le film sympathique : loin de toute approche biaisée (post-modernisme ricanant, cynisme post-acnéique), Jeepers creepers trouble par sa foi et son ancrage dans des procédés à la sobriété consommée. L’ouverture du film, de loin la scène la plus réussie et la plus fascinante du film -une voiture sur une route de campagne, les passages répétés de camions menaçants- laisse entrevoir une approche asséchée du genre évoquant -de très loin- tout un socle souvent laissé pour compte (Massacre à la tronçonneuse, Duel) ces derniers temps. Passé ce choc relatif, le film embraye sur une histoire de monstre entre Stephen King et Les Contes de la crypte.

On pourrait gloser sur le pseudo-trouble qui irrigue le film en souterrain, oscillant entre pulsions incestueuses et vague parabole homosexuelle (le monstre attiré par le jeune garçon). Ce serait malheureusement y voir beaucoup trop. Victor Salva, auteur d’un film veiné de crasseux bruits de couloir (Powder) lui ayant valu pas mal de problèmes judiciaires, joue visiblement d’un statut pas vraiment dans la norme hollywoodienne. Mais cet aspect « cela ne nous regarde pas » du film ne suffit pas à le hisser hors des sentiers battus. Une fois vu, le monstre donne à Jeepers creepers des allures de gaudriole télévisuelle que quelques effets bien sentis (on évite souvent le ridicule que ce genre de monstre issu d’un jeu de rôle mystique charrie derrière lui) portent légèrement au-dessus de la moyenne, à des années lumière tout de même d’un Hypnose, seul et miraculeux chef-d’oeuvre récent de la série B fantastique contemporaine.