Le premier Jeepers creepers fut l’occasion de découvrir un nouveau venu dans le paysage du cinéma d’horreur contemporain : le « creeper », croque-mitaine à la face noire et aux ailes de chauve-souris reniflant ses victimes de manière incroyablement déviante. Le film, hors-normes, cousin des survivals crasseux des années 70, souffrait néanmoins d’un budget limité. Plus luxueux, Jeepers creepers 2 confirme au-delà des espérances les qualités du cinéma de Salva. D’abord par le choix d’une intrigue extrêmement épurée, où ne se posent plus les problèmes d’exposition. Après une première scène extraordinaire et suspendue (le creeper renaissant en plein champ de blé, au milieu des épouvantails), le film démarre au quart de tour. Sur une route déserte, là la tombée de la nuit, un bus empli de footballeurs et de pom pom girls crève. Commence un long face-à-face avec la bête, surgissant du ciel avec la rapidité de l’éclair ou se posant au sol pour mieux renifler la chair fraîche.

Plus que l’intelligence avec laquelle est traitée la partie « communauté de jeunes en milieu rural » (dissensions et formation de groupes qui évoquent le fabuleux Sa Majesté des mouches), c’est de l’énergie formelle qui se dégage du film que Jeepers creepers 2 surprend le plus. Plus question ici de se perdre en intrigues secondaires, la seule question que se pose Salva est la peur et les élans symétriques qu’elle suscite : rester figer (dans le bus, au milieu de la nuit) ou fuir vers le refuge le plus proche. Sur ce point, le film est une véritable démonstration. Entre huis-clos et fugue cosmique (le ciel étoilé d’où le creeper peut surgir à tout instant), tout le film n’est qu’une succession de pauses, d’atermoiements et de fuites en avant ne répondant qu’à la logique de la traque et de la terreur. Lorsque le creeper est absent, Salva use d’un sens du cadre et des multiples zones d’ombres tapies en lui qui confine à la perfection. Lorsqu’au contraire le creeper s’exhibe à la vitre du bus, c’est du côté d’un étrange mélange entre horreur viscérale et vignette kitsch de comic-book que verse le cinéaste, avec la même maestria.

Le second degré, s’il affleure le temps d’un finale à la Moby Dick (le harpon monté sur une Jeep), ne dessert aucunement le film. S’y joue au contraire un rapport amoureux au genre qui témoigne, plus que d’une distance, de la totale harmonie vers laquelle tend le cinéma de Salva. Comme un poisson dans l’eau, flirtant avec une multitude de sous-catégories du film de monstres (jusqu’au Z le plus pur, lorsqu’un teenager, touchant l’aile du monstre endormi, la compare à la matière plastique d’un rideau de douche), Salva impose une fluidité qui ne cesse d’émerveiller. Vénéneux, poétique et jouissif, tendu comme un film d’action, Jeepers creepers 2 est un joyau brut et fédérateur : l’archétype d’un cinéma d’épouvante un peu ancestral sur lequel devraient se plaquer tous les slashers du monde.