Rentrée tout sourire de l’UCPA, Lili, blondinette de 19 ans, découvre qu’un drame s’est joué dans sa maisonnette durant son absence. La mère est sur-guillerette, le père fait la tronche, que se passe-t-il ? C’est le frangin Loïc qui a pris sa gratte et son balluchon pour bourlinguer sur les routes de France. Un peu comme Jack Kerouac, sauf qu’ici l’errance trouve son origine dans une dispute avec Papa, qui craint à donf avec sa vie minable de banlieusard étriqué. Inconsolable, Lili plonge dans l’anorexie avant de renaître, revigorée par une carte postale de son frère. C’est sûr écrit-il, il va bien, faut pas s’en faire.

Qu’est-il arrivé au Philippe Lioret inspiré et délicat des débuts (Tombés du ciel, Mademoiselle) qui se repaît depuis deux films d’une mélasse populaire bouchonnée entre télésuite de l’été (L’Equipier, champion du monde en la matière) et revival de la qualité française. Un appel de la fiction sociétale où l’intérêt revient moins à épurer une intrigue qu’à reconstituer l’air d’un temps. Je vais bien, ne t’en fais pas prend des allures de documentaire désincarné sur la France pavillonnaire, garnissant le cadre de moult détails typiques : barbecue dominical, cuisine Vogica et chambre d’ado avec poster et guitare électrique. Pour un peu, on pouvait s’attendre à voir la petite famille au supermarché ou au Flunch du coin, par souci de réalisme. Cette application prend le film à son propre jeu : en se coulant dans une société standardisée, il perd tout regard et devient logiquement insipide et aliénant.

Du coup, l’intrigue n’avance que par clichés souffreteux : dialogues surécrits, performances d’acteurs au supplice, concentrés à manger Findus et à s’abrutir de télé. Avec mention pour Kad, très pro en père claquemuré mais pas crédible une seconde. Sa prestation dit tout : le film hurle tellement sa quête d’authenticité qu’il en reste justement au stade de l’intention. Pris entre l’ennui et le malaise, on reste alors spectateur d’un film en train de se construire, toujours conscient des ficelles. Et ce n’est pas le scénario, histoire de manipulation glauquissime, qui arrange la situation. Le film se conclut même par une pirouette atterrante de noirceur : en gros, on y glorifie le refoulement psychotique du banlieusard qui devient un héros de l’humanité. Et tout le monde (spectateur compris) regarde ses chaussures, hagard, à la limite de la nausée.