Retour des têtes de bites de Phil Mulloy. On les connaît déjà, elles peuplaient Mondo Mulloy, une compilation de courts-métrages signés par ce dessinateur britannique légèrement obsessionnel. Les films, sinistres et rigolos, dressaient le portrait du squelette d’une humanité en pleine misère (intellectuelle, politique, sexuelle, etc.) et un constat sans appel sur son avenir maltraité par l’âge sauvage du capitalisme. Portrait qui se continuait dans celui d’une autre humanité, invertie : les Zogs, extra-terrestres dont l’appareil génital trône sur le coup et le visage pendouille entre les jambes. En miroir des hommes, les aliens en révélaient le destin morbide.

D’intervenants sporadiques dans Mondo Mulloy, les Zogs deviennent héros malgré eux d’Intolérance, composé quant à lui de trois épisodes : one, « Intolérance », two « The invasion », three « The final solution ». Une sorte de Star Wars gribouillé donc, puisque le style de Mulloy est un crayonnage sec et primaire où les bonshommes, qu’ils soient Zogs ou Terriens, sont des espèces de crachats d’encre, des squelettes sombres que l’on dirait inspirés des figurines de l’art brut mexicain, avec des râteaux à la place des dents. Ici les Humains et les Zogs se font la guerre, tant ceux-là sont scandalisés de l’existence de ceux-ci. Mais tandis qu’ils mènent une expédition punitive sur la planète zog, ils ignorent que les aliens ont déjà envahi la terre.

La limite de Phil Mulloy, et de sa série sur les Zogs, c’est simplement le côté très évident, tout cuit de la plaidoirie à charge contre les travers de l’humanité, à travers l’existence de ce peuple-miroir. Mais se tenir à cette épopée lui permet de construire un récit au grand souffle avec des prêcheurs, des présidents des Etats-Unis, des invasions spatiales et un beau héros schizophrène. Plus coloré que Mondo Mulloy (coloré avec des tâches un peu sales de rouge, de bleu, de jaune) prend les allures d’une chanson de geste absurde et cruelle, dure à l’effort, dure au mal, d’où émane une étrange mélancolie et comme la sensation qu’un monde est perdu et qu’il faut n’en chanter que les ruines.