Alerte rouge ! Après La Vie comme elle va, voyage au bout de l’enfer d’un citadin (Jean-Henri Meunier) perdu dans la France profonde, voici Ici Najac, à vous la Terre. Malgré les rushes inédits ou les inserts liés à l’actualité quand le village est menacé de devenir un tombeau de déchets atomiques, le film est une quasi-réplique du précédent à cette différence que divers habitants de ce joli village de l’Aveyron ne sont plus ici que des figurants, tandis que d’autres tiennent le haut du pavé. Le public est déçu : le phénoménal Christian Lombard, enfant terrible du pays qui, dans La Vie comme elle va prenait le contrôle du film pour le pousser aux frontières du burlesque ou de la tragédie, n’apparaît plus ici qu’en petits caméos muets. Fort heureusement, certains gardent néanmoins leur statut de petits personnages « à sketches », totalement instrumentalisés par la mise en scène, comme le vieux Henri Sauzeau (il construisait des gyrocoptères géants à pédales avec des boîtes de conserve, le voici réparateur de carcasses de voitures de collections), le clown piccolo aux airs de satyre aviné avec sa douce trompette ou le chef de gare facétieux qui fait de la mobylette sur les rails ou mange du brie en attendant Godot. Bien sûr, la complaisance, la facilité des dispositifs, le fond bien-pensant à bouts renforcés annulent toute portée au film, description d’une misère bien trop réelle pour mériter pareille mise en foire.

La vie comme elle allait, comme elle va malgré les agressions journalières de la mondialisation, et comme elle ira probablement encore dans le prochain doc de Meunier. Le cinéaste irrigue l’obscénité de sa mise en scène, tout en raccords orduriers et en gros plans zoologiques, d’un discours plus démagogique que celui d’un Bové ou d’un Besancenot (cette femme au bout du rouleau qui revient comme une ritournelle, à chacune de ses sorties au bistrot du coin, pour scander la misère sociale de la France rurale). C’est la principale différence avec le précédent opus, le passage du mélodrame anthropologique (tout dans le détail : personne n’a oublié le raccord impossible entre un paysan édenté et une tête de cochon grillé dans le précédent film) à une forme de sociologie universalisante (le passage en Afrique, les références au monde rural dans son ensemble). La caméra n’enregistre rien : elle benne. Les personnages font leurs sketches comme à la kermesse, à l’image de ce chanteur bab qui n’apparaît que pour piailler ses ballades folks dans un Anglais vermoulu, instrumentalisés dans un folklore et une complaisance qui ramènent le documentaire à l’âge de pierre. C’est filmé à la massue, ça n’apporte strictement rien au précédent film et c’était même à Cannes en 2006. Bref, le cirque comme il va.