Le Saule, dernier ouvrage d’Hubert Selby Jr, ne fut pas un véritable succès commercial. Mais sa récente parution -l’année dernière- a tout de même réveillé ce vieil intérêt que certains lecteurs français ont toujours porté au mythique écrivain. N’importe quel réalisateur opportuniste aurait donc pu profiter de la situation pour réaliser un banal documentaire dénué de tout intérêt. La sincérité n’est ici malheureusement pas indispensable pour faire effet. Il suffit simplement de répondre aux attentes du public, au bon moment.

En prenant la décision de dresser un vague portrait de Selby -dans lequel le vieil homme nous est présenté dans ses appartements mais aussi à la laverie automatique-, les intentions du réalisateur laissent tout d’abord sceptique. En nous collant le Hubert Selby Jr de tous les jours, durant 52 minutes, veut-il ici forcer le spectateur à se prendre d’affection pour ce vieux monsieur à l’humour corrosif ? L’image que donne l’écrivain de lui-même constitue-t-elle le seul élément de Ludovic Cantais pour tenir le spectateur en haleine ? A première vue, oui. Hubert Selby Jr, 2 ou 3 choses… donne l’impression d’être une insignifiante visite au sein du quotidien de cet auteur new-yorkais, un faible documentaire intimiste et déplacé. Mais progressivement les témoignages s’enchaînent, les informations abondent ; et le véritable objectif du réalisateur apparaît alors clairement. Cette plongée dans l’univers de Selby paraît alors justifiée, nécessaire même. Elle nous permet de comprendre le bilan de toute une vie, elle nous fait partager ce qui est l’aboutissement d’un parcours difficile. Tout comme l’a fait l’auteur avec Requiem for a dream ou Last exit to Brooklyn, Ludovic Cantais oblige ici le spectateur à éprouver les sentiments de son personnage, ses impressions face à tout ce qui l’entoure, ses obsessions. Ainsi, Hubert Selby Jr nous expose librement ses appréhensions face à une mort imminente ; il revient sur un passé qu’il examine avec recul, sans tomber dans la nostalgie émouvante ; il parle de ses écrits, sobrement, avec lucidité…

Si l’on excepte quelques lectures de textes, données comme des intermèdes entre chaque tranche de vie de l’écrivain, le réalisateur s’efface. Ses questions sont perspicaces, mais très brèves. Elles laissent parler l’homme, c’est largement suffisant.