De Serial lover en Brice de Nice, James Huth a trouvé sa voie. Ce n’est peut-être pas grand-chose, le cinéma de James Huth, mais si on se plaint (notamment ici) que le cinéma français est en manque d’identité, au moins échappe-t-il légitimement à ce grief. Certes, le bonhomme manque d’automatisme, pêche souvent par excès, mais son cinéma adolescent est suffisamment droit dans ses bottes pour qu’on y trouve son compte. La preuve avec Hellphone, nouvelle copie décomplexée, teenmovie tonitruant perclus d’idées, d’intentions et d’énergie. Unique, le spécimen James Huth ? Plutôt, oui. Il s’en fout pas mal de vendre un univers, d’assumer le déchet, le mal faire. Cela le démarque instantanément de cuistres impuissants à l’originalité autoproclamée (de Maurice Barthélémy à Jan Kounen par exemple).

L’histoire est simple, aussi maligne que samplée à partir des standards de la comédie américaine des années 80. Un ado parisien (Jean-Baptiste Maunier des Choristes, pas mal) tombe raide amoureux de la plus belle fille du lycée. Problème : sa mère, guevariste nostalgique, peine à boucler les fins de mois. Pas de fric, pas de portable « cool », pas de meuf. Seulement voilà, dans un bazar chinois, le gamin trouve l’occasion idéale : un phone stylé, pas cher, et doté de pouvoirs magiques, sorte de lampe d’Aladin à la sauce SFR. Belle idée qui concentre à elle seule la démarche de James Huth : tendre les ficelles du cinéma à des fins mercantiles et surfer avec délices sur la dégénérescence qui s’ensuit. Car bien sûr, si le portable maléfique permet la razzia dans les magasins ou de clouer le bec des profs, il tue, pervertit, etc.

Des deux cotés de la morale, le cinéaste trouve toujours matière à s’amuser. Plaisir consumériste d’abord : tout se permettre, de remaquiller Paris en American graffiti à avaler mille références, mille bruits, mille gags, copier-coller Retour vers le futur ou bâcler pour de rire George Romero. Plaisir punk ensuite : se moquer de sa propre création, et relever l’identité nationale ou l’américanité comme deux sphères imperméables. C’est là où Huth se démarque d’un Besson : quand ce dernier rêve de fusionner la franchouillardise et la beauferie américaine, il est dans l’aveuglement. Huth, lui, en ricane, pas dupe. Ce n’est pas qu’il est cynique, Hellphone jouant le jeu du teenmovie sans faux-semblant, mais il n’en reste pas moins conscient de son statut de film brouillon, suffisamment rare pour poser quelques jalons, mais trop imparfait pour se poser en modèle. Voilà pourquoi le film ne frustre pas, incitant à la clémence mais rarement à l’idéalisation. Si l’on ne tient pas ici un Shaun of the dead à la française, on reste néanmoins preneur.