Un film de samouraï sec et sobre, c’est plutôt inattendu de la part de Takashi Miike. Pourtant, Hara-Kiri, mort d’un samouraï semble bel et bien viser une certaine sagesse, une sorte d’approche minimaliste du genre. Miike signe ici le remake du Hara-kiri de Kobayashi, datant de 1962 : on y retrouve le même chevalier tourmenté, décidé à en finir dignement par seppuku, mais dont le passé cache des motivations plus retorses. Les motivations de Miike, elles aussi, ont quelque chose de tordu : le maître opère une plongée dans la psychologie alambiquée de son samouraï, suivant son existence ritualisée par détours, sans en extraire de sens explicite. Rien d’étonnant, connaissant l’amour du cinéaste pour les foutoirs narratifs et le symbolisme détraqué : sauf qu’ici, Miike fait montre d’une curiosité inopinée pour l’expérimentation théorique.

Si un regard – assez pénétré de sérieux – est porté sur le prestige chevaleresque et le poids intimidant de la tradition (défiée lors d’un beau finale, lorsqu’en plein combat, une idole s’effondre sous le coup d’un sabre), Hara-kiri ne s’intéresse que très lointainement aux grands enjeux moraux qui font le film de samouraï des 60’s, et à la métaphysique marmoréenne qui habitait les récits de Kurosawa, par exemple. Le coeur de l’action se situe pourtant dans le dilemme éthique de notre suicidaire taciturne (la question de l’honneur, inévitablement, se met sur le chemin du samouraï). Mais Miike prend surtout du plaisir à suspendre son film entre le présent et le souvenir, filmant un héros toujours absent, dont la bio décousue progresse moins par étapes cohérentes que par nappes deleuziennes : un passé se superpose à un autre, s’imbrique dans le présent, lequel finit par s’évanouir. L’étrange manoeuvre de va-et-vient entre chaque souvenir pourrait aboutir, pour le coup, à un tableau éminemment philosophique, puisque le récit n’est pas tant celui d’une mort que d’une vie, éclatée puis rassemblée par morceaux, pour être saisie ontologiquement dans son essence pure.

Tout cela est bien beau, mais trop abscons pour frapper l’esprit : encore une fois, Miike ne tisse pas suffisamment de liens entre ses séquences pour qu’un tout convaincant puisse se dessiner. Son ambition est ailleurs, dans la dilatation du temps, façonné, trituré au risque d’évoquer l’existence avec un grand E en n’en retenant que l’écoulement le plus morne et lancinant. On devine derrière tout ça un désir de dépouillement un peu effronté, comme si Miike, cinéaste de l’outrance, était condamné à forcer le trait dans un sens (la débauche malade d’effets, de mouvements) ou dans l’autre (l’épure stylistique). Sa nouvelle marotte contemplative ne se dépare pas d’une facture très aride que la 3D, initialement prévue puis abandonnée à l’exploitation, aurait probablement eu quelque peine à compenser.