De Girls in America, on pourrait dire d’abord qu’on l’a déjà vu, mille fois, en tout cas ce qu’il raconte et comment il le raconte. Tout est dans le titre (français, en v.o., c’est : « On the outs »), qui prend à rebours les titres de tous les films girly de la planète Hollywood, comme il dégaine contre eux son portrait de l’envers du décor. Démonstratif et par conséquent redondant, le film propose un échantillonnage de personnages et de situations, servez-vous, étalés sur le présentoir d’un fait de société : la délinquance des jeunes filles américaines, dont le sort échappe de moins en moins à celui des garçons, et qui se mettent en conformité avec les statistiques de l’autre sexe. La chute des girls dans le trou des mâles, le gouffre de leur violence et de leurs rapports de force.

Elles ne sont même plus sauvées par leur féminité, dit le film. Que (leur) reste-t-il ? L’assurance d’un destin qu’elles seraient capables de deviner et alors de briser. C’est l’enjeu de la narration, qui non seulement constate l’engrenage et la fatalité de leur passage à la délinquance / abandon à la drogue / reproduction de schémas familiaux, mais le construit en acte par l’entremêlement de leurs trajectoires respectives. Trois personnages : Oz, 17 ans, deale au coin de sa rue mais ne touche pas à sa marchandise (au contraire de sa maman) ; Marisol est déjà mère et ne peut subvenir aux besoins de sa fille, d’autant qu’elle est accroc au crack ; Suzette, 15 ans, sans histoires, s’entiche d’une petite frappe locale et bascule. Le tricot du récit les fera se croiser, toutes trois, mais croiser seulement tant chacune reste sur le chemin que lui balise l’existence. Leçon : le déterminisme est relatif, il suffit d’un presque rien pour s’en défaire et pourtant nul n’échappe à sa condition. Le film éteint ce paradoxe aussitôt qu’il le formule.

On voit bien comment les réalisateurs s’y prennent : anti-glamour, ambiance atelier théâtre pour jeunes en difficulté, moyens réduits mais l’énergie de la foi fait tourner les moteurs. Tout cela est louable, bien sûr, mais ne saurait faire bond hors de ses postulats de départ. Impression finale de voir du sous Larry Clark (prochain film : Wassup rockers, le 5 avril 2006 en salles et avant cela dans Chronic’art #24, ne kiosque le 31 mars) gonflé à la statistique et au didactisme d’un rapport parlementaire.