Hourra : les larrons Mark Neveldine et Brian Taylor héritent de la franchise Ghost rider, gros bébé a priori difficile à assumer. Le tandem avait déjà brillé en 2006 avec Hyper tension, électrisante tambouille théorique qui démontrait la solubilité des composantes du Statham movie dans l’acide sulfurique : on y voyait l’acteur condamné à une course démentielle, jouet coriace d’une expérience foutraque – jusqu’où le nerf du film d’action peut-il se tendre sans craquer ? Après le premier Ghost rider, nanar bas du front sauvé du premier degré par la pantomime exorbitée de sa tête d’affiche, on pouvait s’attendre à une hausse de niveau, du moins à une réappropriation malicieuse de la part des petits malins Neveldine et Taylor. Ghost rider : l’esprit de vengeance est toutefois moins aventureux qu’Hyper tension : pas de mélanges ni de mise à l’épreuve d’un genre. Simplement, tout est dans l’effort de démantèlement de la série B pétaradante façon 2010’s – désormais l’un des sports favoris de Cage, adepte des baroudeurs nigauds parachutés de l’enfer en grosse cylindrée (cf. Hell driver 3D). Complice de la mascarade, il annonçait même que cette suite serait son meilleur film.

Démantèlement donc, réussi en saturant au dernier degré chaque morceau de bravoure, installant un barouf si putassier qu’on en perd la vue, basculant alors dans une bérézina euphorisante. Là où, dans le premier volet, le spectre motard des comics Marvel était censé rester flippant, il est ici désapé, et outragé dans sa plus profonde intimité. Plus miteux que jamais dans sa tenue de soirée cuir-moustache (+ chaînes en métal), il est surtout constamment penaud, honteux de sa propension à muer subitement en squelette inflammable et ultraviolent. Son image n’est pas embellie par les facéties désopilantes auxquelles il s’abandonne dans ses moments de libre : il faut le voir se débraguetter et pisser des flammes de l’enfer – littéralement – pour épater son jeune protégé. Car, comme tout blockbuster fantastique n’est jamais qu’une resucée de Terminator 2, le fou du guidon est flanqué d’un petit gosse têtu qui se pose à la fois comme rival et comme copain de chambrée. C’est même l’objet de sa mission divine : protéger ce jeune disciple et sa mère, gitane ardente et brute de décoffrage. Dût-il pour cela croiser le fer avec Christophe Lambert (!).

Si la chienlit générale n’atteint pas des sommets de folie incomparables, et frôle parfois des travers pas très finauds (des cartons un peu lourdement satiriques interviennent ça et là, dans un esprit un peu Grindhouse), il faut reconnaître que Neveldine et Taylor ont trouvé la formule : à l’heure où le blockbuster d’action se sclérose, le spectateur fantasme très fort de pouvoir dynamiter ses poncifs les plus rances (à commencer par le héros – d’où la ringardisation explicite de celui-ci), faute de pouvoir gober tout ce ramdam forain. Ghost rider : l’esprit de vengeance ne propose pas autre chose : doublant chaque cascade d’un dérapage burlesque, perçant toutes ses propres baudruches gonflées à l’esbroufe, le film prodigue à la fois le poison (le tapin pyrotechnique) et son antidote (la peau de banane). En ce domaine, Cage est à nouveau roi : tous nerfs dehors, épiderme tendu, le cador tire un profit génialement burlesque de son superpouvoir. Comme dans cette séquence d’interrogatoire musclé, le voyant se servir de sa mue démoniaque comme prétexte pour péter une durite, touchant alors à un niveau d’hystérie rarement atteint dans le mainstream hollywoodien depuis l’âge d’or des Looney Toons.