Comment un comédien aussi génial que Steve Carell (40 ans, toujours puceau, The Anchorman…) a-t-il pu se fourvoyer dans un navet aussi cruche et nauséabond ? Suite de Bruce tout-puissant du même Tom Shadyac, déjà pas très brillant, mais où l’abattage de Jim Carrey sauvait la mise, Evan tout-puissant rejoue le coup du pacte divin : Evan Baxter, fraîchement élu député de New York, est choisi par Dieu pour accomplir une biblique mission.

Propagande religieuse, louanges de l’idéal patriarcal, intrigue qui ne fâche personne (sauver la terre, ben oui, tout le monde est pour), le film prend les spectateurs pour des cons. Mais le plus impardonnable peut-être, c’est que le scénario est tellement indigent que Carell lui-même est mauvais. Aux petites touches surréalistes de son visage sont venues se substituer de grasses mimiques. Et quand Carell trouve le ton, il est dans un tel rapport de subordination à une histoire (construire une arche comme Noé pour sauver les animaux du déluge !) et à des effets (poursuivi par des animaux, la belle affaire) que le pauvre est complètement écrasé par une machinerie qui n’en a rien à faire de lui mais s’en sert comme d’un faire-valoir – un comble.

Bruce tout-puissant était au fond une manière pour Jim Carrey de tester l’étendue de ses pouvoirs comiques dans ses aspects les plus démiurgiques : le comique comme création d’un univers propre, inédit, subversif dans sa nouveauté même. Le scénario de Evan tout-puissant, au contraire, ne fait rien d’autre que de rabaisser Steve Carell acteur comique (de ce point de vu le film confond comique et ridicule puisque si on rit, c’est toujours aux dépends du personnage) pour lui ordonner d’obéir et de se conformer à un finale sentencieux où le comique a complètement déserté. On ne saurait mieux faire pour fermer la gueule aux comiques et à leur pouvoir de subversion. Bref, pour en faire de braves petits soldats d’une fiction bêtement édifiante. Oublions cette horreur et espérons revoir prochainement Steve Carell dans un film qui saura l’apprécier à sa juste valeur et exploiter comme il se doit son talent.