Pour un peu, on croirait que Claude Berri a l’intention de se lancer dans la course à l’Elysée. Toutes les propositions du scénario de son nouveau film pourraient se dire, non pas en chanson, mais en slogans, en formules : créer du lien, mettre à profit les énergies, réparer le fossé entre les générations, etc. Ce film gentil, gentil et chaleureux, chaleureux et optimiste, le dit, l’affirme, l’explique, le chante : il faut être ensemble, c’est tout. C’est tout. On ne se lasse pas de cette insistance, qui prend dans le film une allure de profession de foi, à peu près sincère semble-t-il, donc amicale, au fond. Se débrouiller dans la vie, affronter les vents mauvais, mais faire tout ensemble, ensemble. Le film de Berri, promis à un certain succès car joué par deux jeunes trentenaires en vogue, c’est un peu Zim & Co pour la classe d’âge au-dessus.

Adapté d’un roman d’Anne Gavalda, le film met en scène un de ces personnages sortis de nulle part qu’on ne peut s’empêcher de voir tout au long du métrage de loin, avec circonspection : mais où vont-ils chercher des phénomènes pareils ? On n’a rien contre les excentriques, au contraire, c’est formidable les excentriques. Mais enfin ce Philibert, aristo vieille France avec son pantalon écossais et son noeud papillon, franchement, c’est pas possible. C’est fort regrettable mais c’est ainsi : en France, on ne possède pas le génie très anglo-saxon des personnages secondaires. On ne sait pas doser le ridicule. Bref. Philibert partage un appartement avec un trentenaire cuistot, ronchon et un peu beauf (Canet), qui se tue à la tâche et en plus doit s’occuper de sa mémé qu’il aime. Un soir, Philou ramène la voisine à la maison : c’est Tautou, femme de ménage solitaire transie de froid dans sa chambre de bonne mal chauffée. Tautou s’installe, polie, ne voulant pas déranger, mais heureuse de trouver en Phil un ami. Canet râle, genre : je suis chez moi, je mets la musique à donf si je veux, ou bien : c’est qui qu’a fini les cornichons. Mais un jour, les deux vedettes décident de ne plus se chamailler, et deviennent très ami, très complice. Du coup, Tautou arrête les ménages et s’occupe à plein temps de la mémé de Canet. Et puis, ce n’est pas qu’on veut tuer le suspens, mais Tautou et Canet s’aiment (c’est un peu terrible comme ces deux-là, ici, font très « vieux acteurs »), s’engueulent une fois ou deux, mais se réconcilient à la fin via une scène ahurissante (dans une gare, avec une sorte de gag du style le bonheur, c’est simple comme un coup de fil). Bon, ils sont ensemble. C’est tout ? Oui, mais on n’en revient pas non plus de cette scène finale, sommet absolu de bâclage et de joyeux foutage de gueule, que l’on pourrait résumer ainsi, sans rire :

– Bon, je m’en vais.
– Oh non !
– Hé si.
– Ah, pfff, c’est dommage.
– Tu pleures ?
– Snif… non, non… snif…
– Baah, allez, va… je reste !
– Hourra !

Fin du film.

Au fond, si l’on se méfie toujours, par principe, des films gentils, des films qui nous veulent du bien, ce n’est peut-être pas, ou pas seulement, parce qu’ils sont trop mignons pour être honnêtes. C’est aussi parce qu’il n’y a rien de plus large qu’un grand bol de tendresse pour cacher un vide sans fond, un silence gêné, une vacuité totale. Quand un film fait trop ronron contre vos mollets, c’est qu’il n’ose pas vous dire que ses mamours cachent un manque d’envie absolu de faire du cinéma.