Non, vous ne rêvez pas, nous ne sommes pas en 1984 mais en 2005. Constat qui ne fait pas vraiment l’affaire de Wim Wenders qui après une dizaine de films anecdotiques aurait bien aimé renouer avec sa période Paris-Texas. L’homme retrouve donc son scénariste de l’époque, Sam Shepard, pas non plus en super forme depuis vingt ans. D’ailleurs, c’est fou comme leur déchéance se ressemble : pas de vrai trou noir, mais un délitement progressif assez sournois, un glissement vers une ringardise violente et criarde dont Don’t come knocking constitue l’éblouissant abyme. Honnête malgré tout, le film va partir de ce constat, mais sa trajectoire négationniste va l’emmener plus profond encore.

Histoire de ringard donc. Un acteur de western en bout de course fuit le plateau au cours d’une chevauchée vaguement fantastique. Après une pause chez sa mère (Eva Marie Saint, plus fripée qu’Hitchcockienne), direction le passé flamboyant, soit un ex-décor de film hanté par quelques ploucs pour y retrouver un fils qu’il n’a pas connu et la mère de celui-ci, serveuse blondinette aimée jadis. Rien n’a changé voudrait croire le cow-boy Wenders, sauf que le film le réfute à chaque plan. Les acteurs en premier lieu, totalement humiliés par la naïveté du cadre qui maintient leur glamour comme un chirurgien tend la peau d’une riche quinqua, cherchant une fraîcheur sans jamais la trouver. Si le cas Sam Shepard en naïf guilleret malgré l’alcool et la déchéance est logiquement désespéré, c’est Jessica Lange qui frappe davantage. Irradiée sans forcer dans le dernier Jarmusch, là voici ici comme défigurée, la mise en scène fixant impitoyablement ses liftings comme autant d’artifices souffreteux.

On voudrait se détourner d’un tel spectacle, mais Wenders n’offre strictement rien d’autre, le film se repliant sur une contemplation graphique incroyablement épaisse, incapable de creuser ne serait ce qu’un personnage ou de magnifier une nostalgie jamais réellement assumée. Résultat : le film devient rapidement informe et pénible, trop maîtrisé pour qu’on y accepte l’errance préfabriquée, trop hideux et fardé pour un quelconque envoûtement. Petits sommets : les nombreux clips agars qui s’insèrent entre deux dialogues pathétiques d’une bêtise et d’une vulgarité ahurissantes, mélange de jeunisme magnifié (les scènes de ménage entre le fils et sa copine), de cache-misère et de poésie éventée. A ce point raté qu’on préfère encore le dessèchement de Woody Allen (Match point, en salles le 26/10/05) ou les soliloques de Gilliam dans Les Frères Grimm…