Une mère rendue hystérique par trente ans de travail de nuit, un père alcoolo, violent et suicidé, un séjour traumatique en foyer. A 17 ans, Jean-Benoît a déjà un CV bien chargé, qui justifie à lui seul ses sautes d’humeur et asocialités diverses, l’empêchant de rafler sans problème son BEP mécano poids lourd. Pour ne rien arranger, il doit supporter la lourde caméra de Didier Nion, documentariste rescapé lui aussi d’une enfance tumultueuse. Sa vie tient incontestablement du chemin de croix, du moins à en croire le film, bout à bout irrespirable des pires épisodes du feuilleton Jean-Benoît. D’où un malaise diffus qui contamine absolument tout le monde : film évidemment, Jean-Benoît certainement, et nous définitivement.

Il aime le malheur, Didier Nion, au point d’en faire le sujet majeur du film, reléguant Jean-Benoît au rang d’illustrateur. Ou plutôt de cobaye. Jean-Benoît a dégusté ? Il déguste encore, mais doit surtout théoriser ses traumas, se justifier de tout, s’excuser de ses caprices de star. Pires que les enregistrements sélectifs de Strip-tease, Dix-sept ans est un exercice d’acharnement, une traque psychologique, un interrogatoire putassier. Non content de mettre en lumière un ado paumé, Nion lui créé des problèmes, lui arrache les confidences pour les fourrer illico dans sa caméra. De nombreuses séquences témoignent de conversations douloureuses, sur le fil, où la mise en scène ne s’abandonne jamais, s’affirme en patron surpuissant. Nion provoque souvent. « C’est à toi de parler » balance-t-il sévèrement au jeune homme muet, sous le choc, devant la lettre de licenciement du garage où il effectue son stage. S’énerve aussi quand son acteur ne tient pas ses promesses : « tu désires faire ce film et t’as pas envie de le faire, tu t’échappes à chaque fois ». L’abandonne pour faire témoigner son entourage, moitié sévère, moitié compatissant sur son comportement de sauvageon.

Car c’est bien sortir du rang, du champ, du message immédiat qui fait horreur au film, lequel réagit systématiquement à la moindre fuite : ordre (Nion lui-même, la copine de Jean-Benoît), insultes (la mère, ordurière, toujours hors-champ) conseil musclé (profs, garagistes) renforcent l’impression que ce coup de projecteur a plus vocation de coup de pied au cul que d’épaulage réconfortant. Complaisant dans l’horreur, allergique au bonheur (l’image s’estompe sur un Jean Benoît tiré d’affaire), Didier Nion atteint son but avec une efficacité antipathique. C’est sûr, on le plaint ce Jean-Benoît.