« J’ai 20 ans et j’ai raté ma vie. » C’est ce qu’inscrit Michèle (Audrey Tautou), jeune Parisienne en mal de tout, sur son journal intime. Tandis qu’elle sanglote en pleine rue dans les bras de son meilleur ami, elle tape dans l’oeil de François (Edouard Baer), un trentenaire apparemment décontracté, qui la suit dans l’église où elle va se recueillir. Ils s’embrassent, et François détrône sans mal Bertrand, l’ex de Michèle, un benêt de toute façon largué. Après un suicide raté et une conversion décevante au bouddhisme zen, Michèle apprend que François est juif et entreprend de se convertir et de re-convertir François. Mais ce dernier entretient un rapport rien moins que névrotique avec sa religion…

Le troisième film de Pascale Bailly (après Comment font les gens et un téléfilm de la série Combat de femmes avec Mathilde Seigner pour M6) est un surprenant cocktail de drame sentimental et de comédie improvisée, sous-tendue par une réflexion pour le moins décalée sur le mal de vivre et les subterfuges religieux. Etrange long métrage, très peu écrit, déstructuré et filmé dans un style anarchique, exploitant merveilleusement bien le charme des comédiens sur qui tout repose. Audrey Tautou, moins figée dans son sourire enjôleur qu’à l’habitude, joue avec un plaisir contagieux cette jeune fille déboussolée qui s’embarque dans une quête spirituelle. Quant à Edouard Baer (dont on sait peu qu’il est un ancien élève du cours Florent), il trouve un équilibre fragile, mais précieux, entre son style imprévisible, ses phrases trébuchantes, et le sérieux que réclame ce rôle de torturé.

Grâce à eux, Dieu est grand… vibre d’un charme assez unique, et jouit sans complexe d’une liberté de ton à laquelle participent grandement les seconds rôles, Catherine Jacob, Julie Depardieu et Mathieu Demy, tous excellents dans de subtils contre-emplois. Le film, en son milieu, s’embarque un peu imprudemment -mais c’est aussi son charme, sa folie, qui forcément se paye- dans un laborieux développement sur la religion, décrivant la « psychose » de croyance dont souffre Michèle. Le ventre mou, malgré un montage survolté, sombre parfois dans la redite, avant que la réalisatrice ne trouve un second souffle en se concentrant sur l’histoire d’amour, le véritable nerf du film. On retrouve alors ce registre à la fois intime et loufoque, et l’harmonie physique que Pascale Bailly a su créer entre les deux comédiens, s’offrant ici avec une générosité qui force l’admiration.