Destination finale, c’est toujours la même formule : d’abord une longue et minutieuse scène de film catastrophe, qui se révèle être la prémonition d’un ado sur le point de revivre, en vrai, ce qu’il vient de vivre en rêve. L’ado tente de prévenir les gens alentour, et son tapage offre à quelques-uns de rechaper de l’explosion d’un avion (1er épisode), d’un carambolage autoroutier (2e), d’un grand huit obsolète (3e), d’une voiture de course fonçant sur des gradins (4e). Mais c’est aussi une deuxième partie presque toujours grotesque, où « la Mort » supprime méthodiquement les survivants. Suite d’accidents domestiques gores, parfois drôles, globalement lassants.

L’introduction est, systématiquement, le moment le plus intéressant. On se souvient de la première demi-heure de l’opus n°1, et de celle du n°3, particulièrement éprouvantes, petits chefs-d’oeuvre isolés au coeur de nanars de luxe. Entrées en matière fulgurantes (parfois d’une brutalité rare) mais aussi profondément inquiétantes : la prémonition, parce qu’elle vient en premier, semble toujours plus vraie que l’événement réel qui suit, lequel a l’air d’un double, ou d’une contrefaçon. On comprend que si les personnages se font rattraper dans la deuxième partie, ce n’est pas tant par « la Mort » que par le réel (dont relèvent ces accidents fatals a priori contingents, et très pragmatiques, causés par un fil électrique ébréché, une porte mal refermée, un outil oublié quelque part, etc.) A partir de la scène primitive de la catastrophe, ceux qui ont survécu et auraient dû mourir sont devenus des doubles d’eux-mêmes – des doubles à supprimer.

Cinquième épisode, donc : comme tous les autres, celui-ci remplit son cahier des charges avec efficacité et droiture. Mais se démarque aussi par quelques nuances. L’ouverture, très belle, délaisse la vitesse (constante des introductions de ses prédécesseurs) pour la paralysie du vertige, la simplicité du vide : le tablier d’un pont suspendu se délite et s’effondre. Des voitures, des autobus, des camions s’affalent par grappes entières, sur une cadence évoquant davantage le blockbuster que la série B. Vision hallucinante que n’aurait pas reniée Roland Emmerich (surtout depuis 2012, et ses sols qui s’entrouvrent). Cette fois, donc, la mort arrive par-dessous, déjà tendue, béante et comme indifférente à ce qu’elle engloutit. Inversement, les personnages habituellement précipités, poussés, conduits, ciblés, rivés à leurs sièges, retrouvent ici un pouvoir de mouvement et d’action (scènes de la poutrelle, de la rambarde). Manière discrète d’annoncer l’incursion, dans cet épisode, d’un certain libre-arbitre.

A ce titre, Steven Quale (coréalisateur, avec James Cameron, d’Aliens of the deep) propose sans doute le chapitre le plus réaliste de la série. L’argument fantastique est certes toujours présent, mais la mort n’est plus tout à fait perçue comme un personnage à part entière (comme cet être invisible, ontologiquement séparé des vivants, qu’auparavant l’on soupçonnait toujours de rôder). La mort, tout un chacun peut désormais l’incarner : il est possible de survivre, nous est-il expliqué, en tuant quelqu’un d’autre. Nouvelle règle destinée, peut-être, à résoudre ce qui précisément entachait les autres épisodes, à savoir une narration totalement soumise aux caprices de la Grande Faucheuse, laquelle suit toujours un « plan » d’une exaspérante linéarité. Quelques personnages, donc, dans Destination finale 5, joueront momentanément le rôle de la Mort, ou du moins son émissaire. Mais s’ils parviennent parfois à faire sortir le film de ses gonds, c’est malheureusement pour le raccrocher sur ceux, pas plus brillants, du psycho-thriller de base : l’un des jeunes prend goût au meurtre et devient un psychopathe acharné, agitant pathétiquement couteaux et revolvers (et l’affrontement qui suit trahit une faiblesse d’écriture aussi flagrante que d’habitude).

Il reste tout de même, çà et là, de belles choses dans Destination finale 5. Pêle-mêle : un générique très beau, longue suite de bris, de cassures, de destructions furieuses ; la chute d’une gymnaste, dont le corps encastré sur lui-même semble, en jouet du destin, davantage cassé que meurtri ; enfin, le jeu fin et pudique d’Emma Bell, qui sans atteindre la grâce de Mary Elisabeth Winstead dans l’épisode 3, permet au film, dans ses moments les plus creux, de ne jamais totalement sombrer.