Plutôt ironique le titre du film, car du paradis nulle image ne nous sera montrée. C’est au contraire dans un Leningrad aux allures de friche urbaine que se déroule l’action. A partir d’un récit qui semble devoir beaucoup aux souvenirs autobiographiques, Evgueni Lounguine nous convie à une évocation résolument douloureuse de la Russie brejnevienne. Disons-le de suite, c’est cet aspect là du film qui est le moins réussi. Le cinéaste succombe parfois à l’effet catalogue, qu’implique sa vision volontairement exhaustive des faits. On préfère de loin les moments où il se consacre à son postulat de départ : raconter le gris d’une époque à travers ceux qui la subissent.

C’est dans l’intimité de ses personnages que le cinéaste parvient à nous émouvoir. Chacun nous plonge dans une Russie aux multiples visages : la vieille époque aristocratique avec la grand-mère, l’ennui brejnevien avec les adultes, et l’espoir dans le futur, symbolisé par les adolescents. Entre ces différents pans d’histoire, la cohabitation est difficile. Mais dans un pays qui va mal, où tout le monde paie les pots cassés, ce sont les jeunes les plus éprouvés, pauvres hères aux ailes brisées. Ainsi, dès le début du film, un adolescent tombe d’un toit, assommé par la vodka ingurgitée lors d’une fête entre copains. Première ombre jetée sur la jeunesse, annonciatrice de son destin. Micha et Galia sont les anges du titre. Ils s’aiment, mais face à eux se dresse l’incompréhension infranchissable du désarroi des adultes. Présentés sous la forme d’un bestiaire, ces adultes-là ne sont plus vraiment humains, trop embués dans les vapeurs d’alcool.

Des Anges au paradis a ceci d’attachant qu’il évoque avec justesse ce moment de la jeunesse où tout est possible, comme par exemple ne pas ressembler à ses parents. Malheureusement pour ses héros, il nous montre avec une crudité désespérante comment une ex-URSS en stagnation sapa toute envie d’envol, pour finir par transformer la vie en une fatale ligne droite.
L’histoire de Micha et Galia sera donc grise, comme ce qui les entoure. Lounguine nous rappelle que l’adolescence, c’est aussi et surtout, les premières désillusions. Chacun de leur côté, les deux héros vont alors perpétuer le schéma qu’ils tentaient d’éviter. Mais pour le cinéaste, les jeux étaient faits, les dés étaient pipés…