Le carnaval des remakes se poursuit à Hollywood, avec cette semaine un gros morceau : le chef-d’oeuvre de Nakata revisité par le réalisateur de Central do Brasil, le Brésilien Walter Salles. Déjà out malgré le succès délirant de son mélo oscarisé, Salles tente de s’accaparer l’Amérique. Raté : non seulement son film n’est qu’un pâle ersatz de sa source, mais il demeure surtout un produit sans point de gravité, incapable d’imposer un point de vue sans pour autant avoir l’humilité de s’assumer comme pure commande à engranger les dollars. L’histoire n’a pas changé : une mère divorcée trouve un appartement un peu pourri dans un immeuble un peu dégueu pour vivre avec sa petite fille, tentant d’échapper à la volonté du père de la reprendre. Mais des fantômes arrivent, l’eau remonte de partout et bien vite, c’est la panique à bord.

Amusante d’abord, la façon dont le film tente de décalquer au sens propre l’image granuleuse et la lumière bleu vert du film de Nakata. Le moindre cadre est reproduit à l’identique, contre-plongée sur l’immeuble ou perspective sur couloir sombre, donnant d’abord l’impression que ce Dark water est un projet au moins aussi extrême que le remake de Psychose par GVS. Autre idée séduisante, la concentration du film sur la relation de la mère et de sa fille, passage un peu obligé évidemment, mais qui sépare de facto le mélodrame du fantastique quand au contraire l’un et l’autre s’unissaient continuellement chez Nakata. Si l’on exclue la partie finale, visiblement ajoutée au dernier moment, Dark water pourrait presque laisser imaginer le bon film qu’il aurait pu être : une chronique maternelle absolument pas fantastique, un bon mélodrame porté par la toujours émouvante Jennifer Connelly, rarissime et superbe.

Cette qualité, qui n’est malheureusement pas assumée, trouve sa limite quand le film tente malgré tout de répondre aux attentes du genre. Alors tout s’effondre : Salles est si peu maître des effets d’angoisse et de terreur qu’il se contente de donner dans un déjà-vu infirme, patraque, mou du genou, à des années lumières de la raideur traumatique et foudroyante de Nakata. Tout ici demeure dans le flou, l’évocation fantastique, une sorte de matière parallèle au film, complètement artificielle. Deux possibilités. Un : Salles, prisonnier de la commande, n’a pas pu faire le mélodrame intimiste qu’il souhaitait. Deux, plus probable : Salles, voulant le beurre et l’argent du beurre, veut Hollywood sans pour autant se frotter au genre un peu sale, un peu honteux du cinéma fantastique. Deux hypothèses pour un même résultat : pathétique.