En 1996, Jacques Kébadian accompagne les familles africaines dans leur quête de régularisation entre le gymnase Japy et l’église Saint-Bernard. Quand il se décide à filmer, il ne se doute pas que cette aventure durera environ six mois. Rapidement il se lie d’amitié avec Dodo Wagué, l’un des participants du mouvement qui deviendra la figure principale du film. Cette rencontre entraîne le cinéaste jusqu’à Diangouté Kamara au Mali pour suivre ce personnage revenu voir les siens après l’annonce de sa régularisation. Le documentaire se divise en deux parties : le périple du mouvement en France, puis le voyage en Afrique pour rejoindre le village de Dodo Wagué. C’est ainsi le moyen de montrer la communauté africaine sous l’éclairage de deux cultures : européenne et africaine. D’emblée une attitude commune est évidente : l’esprit de solidarité de part et d’autre de la Méditerranée. D’une brousse à l’autre s’est construit autour de l’image : l’image filmée et l’image vue. Kébadian et Dodo Wagué font connaissance parce que chacun d’eux filme. C’est l’occasion pour eux de se montrer leurs images respectives. De la même manière, Kébadian se fait reconnaître du mouvement par des projections à la Cartoucherie. Enfin, lorsqu’il part avec Dodo Wagué au Mali, il prend soin d’emmener un groupe électrogène ainsi qu’une télévision et un magnétoscope dont il fera cadeau aux habitants du village. Là-bas, il pourra encore une fois montrer les événements de Saint-Bernard. L’image devient un moyen de rencontre et d’échange universel. Elle ne ment pas car elle est sincère. Mais si Kébadian confie vouloir montrer avant tout des gestes, des corps et des dialogues, son film n’entend pas pour autant être un film contemplatif. D’une brousse à l’autre suggère comme une fatalité le voyage et l’instabilité. Ballotté entre deux cultures liées par l’Histoire, Dodo Wagué confie les raisons de sa venue en France, comme pourraient le faire beaucoup d’autres. Les difficiles conditions de vie à Diangouté le poussent à quitter son pays et le choix du sol français s’explique par les antécédents coloniaux qui lient la France et le Mali. L’auteur souligne également les nombreux périples de la communauté africaine pour arriver jusqu’à l’église Saint-Bernard. Leur revendication prend la forme d’un déplacement perpétuel. Les manifestations sont de longues marches. Aucun signe de stabilité n’est visible.

Pour vaincre cette instabilité, se met en place une véritable solidarité. Tout le monde doit participer à la lutte, hommes et femmes sans distinction. Le moment très intense concerne l’assaut de l’église par les CRS. Les familles africaines, en apprenant la venue de la police, rangent leurs affaires pendant que d’autres tentent de fortifier la porte. Une fois les préparatifs achevés, chacun vient s’asseoir dans la nef centrale pour écouter le prêtre dont les prières rendent plus violents les coups portés à la hache par les hommes en uniforme. L’assemblée, constituée d’un prêtre catholique et de fidèles en grande partie musulmans, semble ne faire plus qu’une.
Mais s’il faut rendre hommage à ce film, il n’en est pas pour autant exempt de critiques. D’une part, il demeure une certaine confusion dans la démarche que propose l’auteur : le film retrace le périple d’un homme et de sa famille, mais ce qu’il nous montre est une image parfois surchargée dans laquelle se perdent non seulement la figure de son personnage principal, mais aussi la figure de tous les autres. Au total, aucune identité ne se distingue réellement. Le film ne parvient pas suffisamment à rendre compte d' »une histoire individuelle et donc universelle ». D’autre part, Dodo Wagué, en retournant dans son pays, sait qu’il pourra retourner en France. En revanche, que se passe-t-il pour celui qui est expulsé ? Quelles sont les conséquences pour lui dans son propre pays ? Les questions ne sont pas soulevées. Malgré tout, il faut retenir les éléments positifs du film qui sont essentiels. La démarche de Kébadian participe à montrer non seulement la lutte de ces personnes prises en tenaille par une législation fluctuante, mais surtout il entend montrer une solidarité. Ce documentaire prend le temps de s’attarder et donc de s’attacher à ces hommes.