Depuis Cube, on attendait beaucoup du prochain film de Vincenzo Natali, bricoleur astucieux et féru de SF venu de nulle part. Avec Cypher, Natali ne déçoit pas totalement, mais plombe sérieusement les espoirs placés en lui. Pourquoi ? Parce qu’il confirme un évident talent de bidouilleur (quelques perspectives racées et une banale série B prend des allures de rêverie de designer néo-futuriste) tout en exhibant les limites étriquées de l’imaginaire du cinéaste. Cypher mange à divers râteliers d’un genre croulant sous le poids de références ésotériques : espace orwellien dans lequel se mêlent ouvertures métaphysiques mal digérées -une société capitaliste dans laquelle les agents ne sont plus doubles mais quintuples ou sextuples- et goût pour une esthétique de BD cyberpunk à l’esprit potache et riquiqui (Cypher est avant tout un repompage-bis de Total recall).

Le film, grâce à un sens du récit assez impressionnant, déborde d’énergie et tient la route quelques temps. D’où vient alors cette impression de flottement qui gagne le spectateur à peine la seconde bobine du métrage enclenchée ? D’abord, de cette inflation d’énergies (plans travaillés à l’extrême, rebondissements multiples) dont on comprend assez vite qu’elle n’ouvre au bout du compte que sur une quantité très négligeable d’enjeux dramatiques. Ensuite, surtout, de l’incapacité du cinéaste, pressentie dans Cube, à donner corps à des personnages à peine plus évolués que ceux d’un mauvais jeu de rôle. Les films de Natali sont radicalement secs, dénués de la moindre humanité, ce qui ne serait pas un défaut si leur portée dépassait le simple gimmick pour hackers albinos (le moindre gadget technologique devient prétexte à une scène de plus de dix minutes). S’il reste infiniment plus sympathique que celui d’un Andrew Niccol, son grand frère indigent, le cinéma de Natali reste un petit objet formel inconséquent dont on peut déjà prédire qu’il ne renouvellera pas grand chose dans le paysage de la néo-SF vaine et stérile type Simone ou Solaris. Voilà donc un petit apéricube en attendant la sortie, dans moins de deux mois, du formidable Below de David Twohy.