Le sacre médiatique de Hayao Miyazaki (Le Voyage de Chihiro) aura au moins permis que les dessins animés japonais ne soient plus seulement synonymes de grands yeux, animation indigente et robots cornus. Du coup, des longs métrages un tantinet moins consensuels que les productions Ghibli se voient désormais donner une chance sur nos écrans. Encouragé par le succès d’estime de Metropolis l’année dernière, Sony Columbia Tristar s’enhardit à distribuer Cowboy Bebop ; un pari d’autant plus risqué que ce film est tiré d’une série TV -aperçue sur Canal + et disponible en DVD-, dont la renommée ne dépasse guère pour l’heure le petit cercle des animefans.

Cowboy Bebop, la série (26 x 26 minutes, produite en 1997) est sans conteste l’une des plus belles qu’il nous ait été donné de voir ces dix dernières années, se distinguant du tout-venant par sa qualité technique et l’originalité de l’univers qu’elle met en place. Revisitant ingénieusement le space-opera, elle semble emprunter à tous les (« mauvais ») genres -du western spaghetti au cinéma de Hong Kong- et multiplie les références les plus improbables (l’un des épisodes est ainsi intitulé « Pierrot le fou » en hommage au film de Godard). Point fort de la série, les 5 personnages principaux composent une petite communauté mal assortie mais solidaire, tout a fait crédible : Spike Spiegel et Jet Black sont deux chasseurs de primes blasés, ayant largué toute attache et parcourant l’espace en quête moins d’un moyen de subsistance que d’un dérivatif à leur désoeuvrement. Ils sont rejoints par Ein, un chien supérieurement intelligent ; Faye Valentine, fausse Gitane mais vraie brave fille un peu paumée ; et enfin Ed, petite génie de l’informatique complètement foutraque.

Le long métrage, produit en 2001, reprend tous les ingrédients de la série, sans en briser le charme, pour une histoire originale mettant les personnages aux prises avec un bio-terroriste, sur la planète Mars. Le staff de la série est au rendez-vous : Shin’ichirô Watanabe (qui a depuis réalisé deux segments d’Animatrix) à la mise en scène, Yoko Kanno à la musique, et Yoshihiro Kawamoto à la conception des personnages. De fait, techniquement, le film ne s’en distingue pas fondamentalement. Ce qui s’avère gênant, tant on a parfois l’impression d’assister à un très long épisode de la série, sauf à l’occasion de quelques morceaux de bravoure, tel le gunfight dans le métro aérien, où l’empoignade titanesque qui oppose Spike au méchant de service à la toute fin de l’histoire, véritable prouesse en terme d’animation. Globalement, le film tient la distance, séduisant par son subtil mélange, à l’image de son héros, de folie douce, de nonchalance et d’élégance tragique.

Malgré tout, une partie de l’intérêt de ce long métrage reposant sur le fait de retrouver les personnages et l’atmosphère si particulière de la série TV, gageons que bon nombre de spectateurs, attirés par une affiche racoleuse (gros flingues et petites pépées), n’y trouveront pas leur compte. Cowboy Bebop fait quelque peu figure d’amuse-gueule, en attendant Millenium actress, le second long métrage de Satoshi Kon (Perfect blue) et Steamboy, le nouveau Ôtomo (Akira), avec un peu de chance pour l’année prochaine.