Deux policiers enquêtent sur la mort d’un adolescent, dont le corps repêché dans le Rhône indique des marques de strangulation. En remontant la piste du meurtre, les enquêteurs réactualisent le temps des faits (la victime se prostituait) et reconstituent en creux l’idylle amoureuse que le jeune homme vivait avec une lycéenne, elle-même portée disparue. Par montage parallèle, les scènes d’investigations entrent en écho avec celles, pré-portem, du quotidien de la victime. Complices se vend comme thriller social de cette banlieue lyonnaise plombée par la grisaille, siège d’une traite des blancs paumés pour notables friqués. Heureusement, la tentation de la marge extrait rapidement le film d’un carcan trop directif. Un état des lieux du polar s’instaure assez tôt, dans un enchaînement initial de scènes types. Mais il ne s’agit pas non plus de jouer aux Cassandre du genre hexagonal, mais croire, comme Pénélope, dans l’espoir de retour d’une odyssée criminelle égarée outre-Atlantique. Ni surabondances de tocs Anglo-Saxons ni références précises, donc, juste une capacité à savoir faire la synthèse d’un héritage réglementé.

La fatalité, ressort par excellence de l’exercice, se voit ainsi doublée par ces incessants va-et-vient entre les deux couples. Leur excentricité esthétique (couleurs éclatantes du passé vs grisaille du présent = gadget essoré par les cops shows TV) est heureusement occultée par une idée annexe : le passage, sans aucune transition, d’un espace-temps à l’autre. C’est dans ces collures brutales que Frédéric Mermoud trouve le meilleur équilibre pour y apposer la modestie d’un style personnel. Preuve de sa vigueur narrative, le récit tragique ouvre constamment la voie vers le drame conjugal. Naissant comme ramification de l’intrigue principale, cette excroissance prend le pas sur le reste, jusqu’à noyer le whodunit dans une sorte d’indifférence générale. Prendre un genre comme prétexte peut souvent masquer l’hypocrisie à ne pas assumer un discours sous-jacent. Or, ici, tout est clair : l’enjeu est celui, certes pessimiste, d’une interférence sentimentale entre deux âges.

Le duo de policiers, projection détournée du couple maudit, marque par une attraction de chaque plan (excellente alliance de Melki et Devos, impeccables comme souvent). Mais ce désir ne sortira jamais du cocon de la suggestion. Ces experts, exhumeurs de l’engrenage fatal (la passion dévorante des jeunes amants) sont sujets d’une expérience : l’impossibilité de reproduire un schéma pour ceux qui tentent d’en décrypter les rouages pervers. Dommage que cette démarche ne parvienne à se hisser vers une conclusion à sa hauteur : Mermoud semble abandonner sa trouvaille pour revenir vers un certain conformisme scénaristique. La complicité du titre aurait pu être existentielle, elle ne sera qu’un twist littéral dans le dénouement. Mais ce premier long aura au moins suggéré un courage à savoir marcher dans des sentiers balisés (les états d’âmes des quadras, notamment) tout en se ménageant un attrait pour l’échappée buissonnière.