René Féret réalise des films depuis 1975, déjà presque une quinzaine, et continue son travail comme il l’entend ; à la fois en tant que scénariste, réalisateur, producteur (depuis le début) et distributeur (depuis 2000). Comme ses compatriotes Vincent Dietschy ou Philippe Faucon, il a le goût de la beauté, se mettant en quête de l’essentiel avec rigueur et discrétion. Ce cinéma français-là est d’une extrême tenue.

Soit Marc, un jeune homme doux, discret, normal. Il rencontre Anne. Ils prévoient de se marier, de faire un enfant, emménagent ensemble. A cette occasion, Marc s’essouffle, fait des examens. Il est atteint de la maladie de Hodgkin. S’ensuivent hospitalisation et lutte contre la maladie. Les scènes se succèdent dans une relation de cause à effet. Le déroulement est linéaire, la méthode mathématique. On peut être sûr que ce qui est montré dans une séquence sera développé dans la suivante. Les conditions socio-culturelles et les dispositions des protagonistes ne sont pas moins explicites que la pédagogie qui entoure la maladie de Marc ou la maladie en général. Quoi faire d’une maladie mortelle, quand on est le malade, la conjointe, la famille ou l’ami(e) du malade et de la conjointe ?

Comme une étoile dans la nuit est un film aux allures Dossiers de l’écran, sérieux, carré, droit. Plat ? Non. Certes, Féret imagine, en ce qui concerne les personnages principaux de cette histoire, les choses au mieux dans le meilleur des mondes possibles. Le malade est exemplaire, la fiancée est exemplaire, le médecin aussi, tandis que les autres (famille, amis) ont les vices du quotidien (égoïsme, crainte, maladresse). Mais grâce à ce réglage, qui refuse la vérité moyenne (les autres ont beau le dire, aucun des personnages principaux ne se résout à dire : « Ah, si je n’avais pas été malade », « Ah, si mon fiancé était bien portant », « Ah si la médecine n’était impuissante »), Féret accomplit un coup de force, et son film trouve une ampleur qu’on ne lui soupçonnait pas.

D’une part, en choisissant de mettre hors sujet les plaintes, les larmes, le ressentiment ou la révolte contre le destin, Féret couronne des héros – et le film est dur et émouvant non parce que les personnages principaux pleurent, mais parce qu’ils sourient, rient et acceptent. D’autre part, en mettant les choses au mieux, jamais Féret n’élude le pire – comment traiter la difficulté, la cruauté ou la laideur de certains sentiments ou ressentiments ? Le mariage des amis – qui ont l’indélicatesse de choisir la date même à laquelle Marc et Anne avaient prévu de se marier -, ou l’attirance qu’éprouvent Anne et Eric, l’ami de Marc, appuient là où ça fait mal, mais ce pire, bien que présent, est élégamment minoré, car naturellement pris dans la dynamique narrative. Féret sait où il va : à la beauté. Parce qu’enfin, en accompagnant fait par fait, pas à pas, ses personnages incorruptibles, Féret fait un film d’amour fou. Un film d’amour fou à la française, où la force du surréalisme naît d’un récit analytique, factuel et quotidien. Face à la mort imminente, il paraît que les choses brillent d’une autre clarté, que l’on vit plus intensément l’aventure de la vie, quitte à passer dans un autre monde. « Grandir la mort grâce à l’amour » – et l’amour grâce à la mort. Quand le film passe dans ces ailleurs absolus, hors les contingences, l’étude de cas trouve sa consécration, profonde et lumineuse, et on en conclut que Comme une étoile dans la nuit est un cas d’école.