Après le retour inespéré de Romero annoncé en grande pompe par Le Territoire des morts (2004), Chroniques des morts-vivants débarque de manière beaucoup plus anodine. Il faut dire que les quelques années qui nous séparent du Territoire ont permis de relativiser ce retour : le film, malgré un bel effet de surprise, restait à des années-lumière des trois premiers et n’a pas laissé de grandes traces dans les esprits. Moins ambitieuse, cette chronique filmée en DV se révèle très vite pour ce qu’elle est : une oeuvrette recyclant un peu mécaniquement les obsessions d’apocalypse du cinéaste par le biais attrayant des nouvelles images. Mais c’est malheureusement sur ce point que Chronique des morts-vivants pèche le plus, dans sa manière de tomber à la moindre occasion dans l’écueil déjà bien daté du film au caméscope (le côté « je te filme, tu me filmes par la barbichette » qui soulève des questions délirantes comme : « le monde est-il devenu une caméra géante ? »). Si Romero tire de très belles séquences de panique ou d’action tremblée de sa mise en scène faussement amateur, le film s’écrase dès que ses personnages se posent pour débattre de l’avenir général des images ou de l’intérêt du montage sur Avid entre deux assauts mort-vivants.

La fable philosophique, la distanciation sympa (à l’image du tournage en forêt censé représenter le Romero de l’époque de La Nuit des morts-vivants) enlèvent une bonne partie de l’immédiateté saisissante de certains plans (le cadavre secoué de convulsions pendu à un pont) et soulignent ce paradoxe : si Romero n’a rien perdu de ses capacités de filmeur, il semble bien loin d’avoir trouvé matière à se relancer. Au fond, un film comme Bruiser, si décrié à l’époque, amenait mille fois plus de promesse que cette gentille série Z. La faute peut-être au calendrier des sorties (le film débarque après Redacted, Cloverfield ou Rec) qui en fait un poids-mouche de plus dans ce petit combat digital écrasé depuis dix ans par Blair Witch. Mais c’est la mémoire de La Nuit des morts-vivants qui pèse le plus ici : à l’époque, Romero filmait déjà – et sans la moindre justification diégétique – dans ce style documentaire, le 16 mm étant destiné à faire plier le genre sous la pression de la réalité qui l’environnait. Ecrasé par ses intentions et son discours méta-filmique lourdingue (affligeante scène où les ados bien concentrés montent leur film dans la maison infestée de zombies), Romero ne fait ici que surfer sur une vague en déroulant ça et là quelques séquences magistrales. C’est bien le moins qu’on pouvait attendre du vieux fauve de Pittsburgh.