Depuis le confortable succès de Phone game, Larry Cohen a retrouvé son statut de scénariste bankable. L’occasion pour le pape de la série B de refourguer ses fonds de tiroirs sans avoir à les retravailler personnellement. Et pour les studios, c’est un investissement confortable qui marche à tous les coups. En résulte Cellular, qui déroule efficacement les schémas à l’ancienne de la Cohen touch. C’est carré, net et sans bavure, bis en diable, ludique et toujours aussi superflu. Par ailleurs tellement artisanal qu’il est impossible à vampiriser pour un simili-cinéaste : Joël Schumacher, pourtant habitué aux commandes s’y était cassé les dents avec Phone game, où ses poussées réactionnaires embourbaient l’efficacité du scénario. En revanche, c’est évidemment du tout-cuit pour un tâcheron, ici David R. Ellis, spécialiste en gros oeuvres hollywoodien après des cascades sur des blockbusters et le deuxième volet de Destination finale.

L’intrigue tient dans l’accroche : « S’il perd cette communication, elle meurt ». Elle, c’est Kim Basinger, kidnappée par une cohorte de brutes épaisses sans que l’on sache pourquoi. Avec un téléphone cassé, elle contacte par un heureux hasard le portable d’un jeune bellâtre superficiel qui la prend tout de suite au sérieux. S’ensuivent mini-films sur mini-films, autant d’enjeux classiques du cinéma d’action savamment assemblés avant le dénouement final, comme une excellente attraction foraine. C’est si revendiqué que Cohen a plus que jamais les pleins pouvoirs et agit en habile maître-chanteur. Du coup, la position de la mise en scène se substitue au personnage du bellâtre : il est aussi primordial de conserver la communication avec Kim Basinger que de garder le rythme de Cellular. Encore une fois, « s’il perd cette communication, elle meurt ». Et si Ellis filme autre chose qu’un rebondissement de scénario, le film s’autodétruit immédiatement.

Tout cela sent évidemment la poussière, même si le script s’évertue à parodier les codes du genre : conformisme de la jeunesse dorée (le public), clin d’oeil aux canons de la futilité actuelle (le fils de Kim Basinger se prénomme Ricky Martin) ou autre figure de flic aussi ridiculisé par Cohen que sublimé par l’acteur William H. Macy. Et c’est sans doute dans cette dualité entre acteurs et clichés de cahier des charges que le film s’humanise. Outre Macy, c’est Kim Basinger qui, du haut de sa splendide quarantaine bien entamée, insuffle au film une émotion de cinéma doublée d’une indéniable chair. Ellis lui emboîte le pas et place l’actrice à la fois en éternelle déesse sensuelle et en porte-parole touchante des beautés fatiguées du système. Reléguant Sharon Stone et ses injections de collagène dans les oubliettes des années 90, Cellular consacre définitivement Basinger en Phoenix qui, bien qu’incandescente, laisse voir une tristesse plus bouleversante à chaque film.