Un élève des beaux arts plaque sa copine. Trauma. Pour rentabiliser ses insomnies répétées, il bosse la nuit dans un supermarché où il fait la rencontre de copains rigolos, mais surtout d’une ravissante caissière dont il finit par tomber amoureux. N’allez pas croire que ce jeune est un ado comme les autres. C’est un artiste, obsédé par le corps des femmes, et qui a le don de suspendre le temps. Du coup, c’est bien pratique pour désaper les clientes sculpturales du Ed l’Epicier local et les dessiner jusqu’au bout de la nuit. Car Cashback est un film d’artiste en recherche du beau, de la beauté quoi. Un film qui comprend tout sur la culture jeune, les rapports fille-garçon, les ralentis au cinéma et la pop.

Difficile d’aimer Cashback, premier long métrage du photographe Sean Ellis qui, parait-il, s’est beaucoup inspiré de sa vie tout en brouillant les cartes à coups de fantaisies soigneusement étudiées. Pourquoi tant de scepticisme ? Avant tout parce qu’Ellis passe son temps à se la raconter. Qu’un apprenti cinéaste se prenne pour le Fellini des temps modernes, why not, on ne demande qu’à voir. A l’arrivée, justement, que voit-on ? Un vulgaire teenmovie seulement dévié de son origine par ses airs de jeune péteux, un objet chic passablement atrophié dont l’esthétique publicitaire essore la même idée jusqu’à plus soif. La distorsion du temps selon Sean Ellis (la voila l’idée), c’est Proust revu et corrigé par Steevy Boulay. Soit une formule mise en image au pied de la lettre, sujette à caution arty (le film prend littéralement la pose, voyant le héros évoluer dans un univers figé, waouh la classe) ou cache-sexe imaginatif.

Car d’exploration ou d’exploitation ludique, pas une once ici, ou presque, hormis un ou deux gags d’une créativité relative. L’onirisme d’Ellis ne s’éloigne jamais des enjeux triviaux de petit malin : faire avancer le schmilblick et retomber sur ses pieds. Le film persiste ainsi dans une bizarrerie rase-mottes qui ne fonctionne que par accumulations : l’action se gave de personnages, rapidement croqués et instantanément digérés (le petit chef du supermarché, l’un des loosers les plus sinistres de l’histoire du cinéma, accablé mais jamais ciselé). Pire, l’image a constamment besoin d’un commentaire archi-redondant, asséné d’une voix romantique par le jeune héros, petit minet fadasse tout droit sorti d’une sitcom. La preuve que le film n’arrête jamais de se regarder le nombril, chérissant ses mécanismes, se surprenant à chaque plan de son propre génie au point qu’il en oublierait ses soi-disant sujets de fascinations (des femmes à poil au ralenti, ça ne fait pas nécessairement un film envoûtant). Fétichiste, ce truc ? Même pas en rêve.