Cannes 2013, donc. C’est à dire : Cannes à nouveau, Cannes comme l’an dernier, comme l’année prochaine et comme tous les ans. A ce rituel, on se soumet chaque fois avec un plaisir égal, peut-être d’abord parce que, précisément, c’est un rituel. Rien ne dit mieux cette emprise que l’affiche  qui, cette année, fait s’embrasser symétriquement Paul Newman et Joanne Woodward comme s’épousent les aiguilles d’une montre : tic, tac, pour le cinéma mondial, Cannes a d’abord vocation à donner l’heure. Ici, chaque année, se fixent l’agenda de l’industrie comme celui de la critique, chaque année les compteurs sont remis à zéro.

 

Remettre les compteurs à zéro, c’est aussi, et ça tombe bien, le programme du prochain numéro de votre magazine préféré, qui sortira dans deux jours, alors que le festival aura trouvé son rythme de croisière. Les nouvelles formules, vous le savez, c’est un peu une passion chez Chronic’art. Cette fois-ci, toutefois, c’est un peu différent puisque votre magazine change littéralement de peau, après avoir cédé à prix d’or 55% des caractères de son nom : le 17 mai, en kiosque et plutôt qu’un Chronic’art #82, vous trouverez un Chro n°1. Directement réinvesti dans la nouvelle formule, le pactole tiré de la vente astucieuse du « nic’art » ouvre de nouvelles et réjouissantes perspectives. Comme par exemple celle d’ouvrir plus largement nos colonnes (réputées jusqu’ici, et bien légitimement, pour leur acuité critique) à la parole de ceux qui font l’actualité culturelle. Prenant un peu d’avance sur Cannes, nous avons par exemple invité quatre cinéastes français à donner leur avis sur la question autour de laquelle tout le monde, ces derniers mois, s’agite : le « cinéma français », justement. Ces cinéastes, nous ne les avons évidemment pas choisis au hasard. Alain Guiraudie, Serge Bozon, Yann Gonzales et Nicolas Pariser vont tous présenter un film ici-même, à Cannes, dans les jours qui viennent. Surtout : ce sont des cinéastes que nous aimons particulièrement, et dans ce paysage, celui du « cinéma français », ils ne sont pas si nombreux à nous intéresser vraiment. Avec eux, nous avons parlé bien sûr convention collective, financement et « crise du cinéma français ». Mais pas seulement. Dans leurs propos se dessine aussi l’idée bienvenue, et iconoclaste si l’on en juge par le plébiscite presque unanime des films de Miguel Gomes et de Carax, cités souvent pendant cette table ronde, qu’il y a une autre urgence, esthétique celle-là, sur le terrain du cinéma national :  ne pas céder au confort du « cinéma culturel », lutter, comme le dit Bozon, « pour que les films ne soient pas d’emblée des objets signalétiques qui flattent la mémoire culturelle ». Leurs films, que nous découvrirons pendant les dix prochains jours, diront comment chacun s’y est pris pour satisfaire à ce programme, auquel nous ne pouvons que souscrire.

 

Pour le reste : dès demain, et en direct de la villa Chro, Murielle Joudet, Yal Sadat, et moi-même vous donneront des nouvelles de la sélection, à commencer par le Gatsby d’ouverture, dont je sors et qui, c’était prévisible, n’est pas exactement magnifique.