Fraîche quinqua, Jane Birkin, alias Anna, se rappelle sa famille au cours d’un emménagement dans une baraque du Finistère. A chaque carton son petit espace spatio-temporel : câlins avec papa, disputes avec maman, reproches et jeux complices des trois filles et de leurs pères respectifs qui, vivants, morts, aimés ou enfouis, sortent du placard et se partagent le temps de parole. Bref, comment la tribu nourrit à jamais la muse, définie par les autres pour le meilleur et pour le pire.

Deux problèmes cabossent la Birkin’s touch, joli mélange grave et fantaisiste, sorte de Bergman gribouillé à la sauce people :
1. La structure se découvre dans son entier dès la première séquence : valse des fantômes, dialogues impossibles perclus d’angoisse et de nostalgie. Le film pourrait se changer en huis clos, mais non. Parfois, on dirait un mauvais Michel Deville, condamné au cyclique, enfermé dans son découpage malicieux. Du coup, on peine à trouver ludique ce qui est plastronné ainsi, surtout quand le film vire surréaliste, plus que jamais grippé. Dommage, tant la néo-cinéaste existe par quelques idées : une suture au fil de couturière sur le crâne luisant de Michel Piccoli laisse poindre un sens de l’absurde, de l’étrangeté, qui mériterait un film personnel, mais pas « intime ».
2. L’intimité de Birkin justement, aussi secrète que celle d’une Britney Spears, voilà qui nuit terriblement au pouvoir d’incarnation. Maurice Benichou a beau s’appeler Max, remonter son col de veste et commander une vodka, ça ne suffit ni à effacer Gainsbourg ni à le ressusciter. Même chose pour Lou Doillon qui campe sa soeur Charlotte, laissant son propre rôle à plus jeune : embrouillamini facilement démêlable, gadget sans fond au ludisme plus limité qu’une partie de Qui-est-ce ? Le mystère revient donc à se cacher derrière son petit doigt. C’est un peu triste, car le film n’a rien de superficiel, il est incontestablement habité mais trop facilement conforté dans ses certitudes, engoncé par les multiples références qui l’empêchent de se déployer. Comme Jane est sympa, mythique et tout, sa sincérité l’emporte de justesse : l’image finale, où Max-Gainsbourg se retourne vers la caméra, touchera tout le monde.