Auteur de polars au succès métronomique, Elmore Léonard est adapté à toutes les sauces vers la fin des années 90. C’était le temps des Tarantinades à tiroirs, des polars marrants bourrés de tronches cocasses, presque un genre initié non par Jackie Brown, mais par Get shorty, opus le plus ouvertement commercial. Réalisé par Barry Sonnefeld, le film racontait l’ascension malgré lui d’un gangster (Travolta) dans l’industrie du cinéma, exploitant le cliché toujours efficace du monde impitoyable du travail et de l’univers tout aussi impitoyable du show-biz. Depuis, John Travolta est retourné dans le ventre mou d’Hollywood, emportant la griffe Elmore Léonard dans son sillage. Eternellement déchu, il accepte tout, même les rôles secondaires ou les méchants à deux balles.

Un peu comme pour Kevin Costner, la résurrection chez Travolta, est une seconde nature, ses rôles marquants reviennent sans crier gare dans des reproductions imparfaites d’un numéro jadis flamboyant. Logique donc qu’Elmore Léonard ressurgisse dans son planning, qui plus est sous forme de suite officielle. En définitive, Be cool est davantage un avatar. On retrouve Chili Palmer, le gangster producteur comme un coq en pâte à Hollywood. Il s’ennuie à mourir et voudrait partir à l’assaut de l’industrie du disque pour casser la routine. Le décès d’une vague connaissance l’y conduit tout droit, sans forcer. Facile, Palmer connaît les ficelles, peu ou prou les mêmes qu’au cinéma. D’ailleurs, il retrouve Uma Thurman, propulsée patronne d’un label cerné par la mafia russe et la clique d’un manitou du gangsta rap. Il suffit alors à F. Gary Gray, la version obèse de Steven Soderbergh, de suivre cette cadence de pilotage automatique.

Vraiment tranquille à tous les niveaux, Be cool déroule les bons mots, croque les personnages sur la même ritournelle. Le scénario se suffit à lui-même, carburateur à l’ancienne réglé comme du papier à musique, laissant sa chance aux acteurs dans un souci d’équité assez incroyable. A l’image d’un générique où tous les personnages se dandinent sur la même rengaine R&B, chacun possède sa scène, son truc, sa référence et son décalage : le parrain du rap élève sa fille dans les règles de la bourgeoisie chic, un manager blanc s’habille comme un noir, son garde du corps (The Rock, vraiment bon) est homo. Grâce à Travolta, qui traîne sa nonchalance graisseuse et sa légende périmée, le formatage a trouvé une chaleur, un prétexte idéal pour exister. Les scènes avec Uma Thurman sonnent des retrouvailles déglinguées. Lui est bouffi, elle, toujours splendide, ils reproduisent Pulp fiction (la danse) autant qu’ils fantasment son hors-champs (ils s’embrassent). Oui, ici, c’est dans les plus vieux plats qu’on fait les meilleures soupes. Il suffit du duo musical entre Steven Tyler, glorieux papy d’Aérosmith et Christina Milian, jeune pop star plastifiée, pour choisir son camp.