Yuko est seule contre tous, c’est une fille butée. Partie comme bénévole en Irak où elle a été prise en otage, elle a tout d’une héroïne. Pourtant sur ce passé en Irak, on ne sait rien, et contre toute attente, de retour dans sa petite ville natale, Yuko est rejetée par la population : on accuse cette exilée inutile et irresponsable d’avoir causé bien des embarras à son pays.

Yuko (l’étonnante Fusako Urabe) est une figure de résistance. Poings dans les poches, sac sur le dos, elle ne cède pas devant l’opinion et l’avalanche des harcèlements (bashing). On l’accuse de n’en faire qu’à sa tête sans penser aux autres (japonais, les irakiens ne comptent pas), on la licencie, on saccage ses provisions, on l’insulte au téléphone. Pourtant, Yuko tient bon et revient à l’assaut. Le film fonctionne de manière fragmentée et répétitive à l’image de cette ténacité. Dans des espaces resserrés, les gestes de Yuko secs et heurtés sont lancés comme des cailloux. Elle fait le lit en tapant fort dans les coussins et s’active à quatre pattes dans la baignoire pour mieux la décaper. Dans les gestes quotidiens la colère se déchaîne, on n’a jamais commandé trois bols de bouillon avec autant de rage. La lutte se concentre sur le corps de Yuko roulée en boule sur son lit et sur son visage qui se crispe et se débat pour résister à la montée des larmes dans trois gros plans tendus.

Face à elle, le trait est un peu forcé. L’ensemble du pays s’acharne et ses pauvres parents, les seuls qui la soutiennent, mais passivement, sont d’un fatalisme invraisemblable (le père sombre dans la dépression en quelques minutes pour finir par sauter brutalement par la fenêtre). Le désert humain trop uniforme rend la critique un peu lourde et l’acharnement unanime contre un idéal d’altruisme assez vague et naïf (le sourire des enfants en Irak) finit par fatiguer. Mais tant pis, Bashing a le mérite de ne pas rabâcher l’imagerie d’un Japon de cerisiers : la lumière gris métal du paysage industriel en plein vent invente une terre inédite. Par contraste avec cette immensité, le visage sans âge et sans sexe de Fusako Urabe, filmé de si près qu’il devient flou, semble prisonnier d’une minuscule cellule solitaire.