A la belle étoile, le premier film d’Antoine Desrosières, était franchement déplorable. Portrait frelaté d’une jeunesse indolente, assaut poétique à 20 centimes, l’essai concentrait tout ce que le cinéma français pubère propose de pire, de vain surtout. C’est dire que Banqueroute, second opus de l’auteur, n’était pas attendu avec une folle impatience. Et pourtant, le film recèle des charmes insoupçonnés, peut-être parce que Desrosières s’est en partie délesté de son arrogance d’adolescent, suivant ses personnages avec une nonchalance qui, cette fois-ci, n’a (presque) rien d’artificiel.

Son héros a pour nom Nicolas Lanson (Mathieu Demy), figure démarquée de Nick Leason, célèbre courtier anglais à l’origine de la faillite d’une grande banque et dont la vie a récemment été mise en images via un film anodin (Le Trader fou) avec Ewan Mc Gregor. Loin du biopic fidèle ou romancé, Banqueroute part de ce cousinage improbable pour se perdre à loisir dans les parenthèses référentielles (une séquence godardienne, des intertitres aussi narratifs que dans le cinéma muet), les sautes d’humeur et les bifurcations de toutes sortes. Le road movie s’imposait donc comme le genre idéal pour épouser les sentiers mi-lyriques mi-parodiques de cette aventure en noir et blanc. Et si l’on devait définir celle-ci, on n’hésiterait pas forcément à la rapprocher du meilleur cinéma indépendant US (vous savez, celui qui n’existe plus), lo-fi dans l’esprit comme dans l’image -merci Dominique A, qui a composé pour l’occasion quelques belles plages minimalistes. Parce que Banqueroute ne se prend que rarement au sérieux et s’amuse de sa propre décontraction, tout y semble toujours possible. Pour le pire : jusqu’à la puérilité (les postiches de Nicolas et Charlotte lors d’une tentative de vol minable, le monologue de cette dernière sur son enfance traumatique). Pour le meilleur : jusqu’à la magie (la nature féerique, la route comme territoire initiatique). A la manière de son Nicolas Lanson, Desrosières semble avoir trouvé sa voie en s’émancipant d’un certain cloisonnement, vers une liberté stimulante et inventive.