Loin des bidouillages de la comédie française, Bande de sauvages est un pur petit produit hollywoodien calibré à l’extrême. Au-delà de ce que cela sous-entend de mécanique – casting royalement programmatique et réalisation minimale -, ce calibrage n’empêche absolument pas cette virée de préretraités se rêvant en Hell’s Angels libertaires de se chercher. Au contraire, cette recherche d’ajustement, comme on dirait du rodage d’un moteur, brille par son humilité goguenarde, comme si rien n’était gagné d’avance. Travolta et sa bande de kékés se lancent à l’assaut des routes, direction la Californie : la variation sur Easy rider vire à l’aventure picaresque semée d’embûches grotesques, dont une armée de motards dégénérés emmenés par un phénoménal Ray Liotta. Le premier tiers est une succession de tentatives qui parfois font mouche (l’ouverture et la présentation de chacun des membres de l’équipée, énorme), parfois se crashent lourdement. Mais toujours, la mécanique relance un récit qui, littéralement, déroule en toute facilité.

Mieux, le moteur déploie peu à peu sa puissance – jamais énorme, il va sans dire – et finit sur la fin par tourner à plein régime, usant de ses moindres potentialités (le rôle d’homo refoulé de William H. Macy contre la toute-puissance un peu factice de Travolta) avec une malice et un sens de l’efficacité réjouissants. A mi-film, il ne reste plus à Walt Becker, faiseur sympathique, qu’à puiser dans des ressources burlesques qu’il s’est lui-même attaché à rendre opératoires, oscillant entre parodie de road movie et grosse satire anti-sudiste. Le sommet est atteint lors de la pause dans le village, lorsque fiesta, rodéo et affrontement final s’enchaînent dans une fluidité outrée et déconcertante. Limité à ce qu’il est, le film demeure l’archétype d’un tout-venant éminemment attachant en ce qu’il part d’un presque-rien pour déboucher, selon une logique qui ne doit rien au hasard, sur quelques admirables pics. Ni magie ni fantaisie ici : juste le parfait déroulé d’une maîtrise – appelons ça du métier – dont beaucoup pourraient s’inspirer.