Passé inaperçu lors de sa présentation en hors compétition lors du dernier Festival de Cannes, Avalon s’impose pourtant comme une œuvre incontournable pour quiconque s’intéresse à la thématique très « gamer » de la virtualité. Cousin pas si éloigné du eXistenZ de David Cronenberg, Avalon est aussi une histoire de jeu qui entraîne ses participants dans un territoire incertain où les limites entre réel et virtuel sont des plus floues. Mais si le design de ses effets spéciaux est époustouflant, le nouveau film de Mamoru Oshii (Ghost in the shell) n’est pas qu’une simple curiosité esthétique.

Situé dans un futur proche et un pays à l’identité inconnue, Avalon porte le nom d’un jeu de guerre virtuel qui fait fureur, offrant à ses participants la possibilité de s’évader d’un quotidien que l’on devine morne et désespérant. Les plus doués -comme Ash, l’héroïne du film- peuvent même gagner leur vie en y jouant régulièrement. Envisagé comme un produit générant une addiction, le jeu Avalon rend accros ceux qui y participent et qui finissent par perdre de plus en plus pied avec la réalité. C’est un peu le même effet qui se produit au final chez le spectateur happé dans les méandres de l’univers ultra-stylisé d’Oshii. Dans sa manière de nous plonger directement au sein d’un monde virtuel, le cinéaste créé là un véritable « film-concept » questionnant sous un mode fortement teinté de mélancolie (cf. le rythme presque contemplatif du film et le visage grave de la belle Ash) notre appréhension de la réalité et du concret de notre existence.

Evidemment, ce qui frappe d’emblée dans Avalon, c’est la beauté de ses images. A la lisière entre animation et prises de vue réelles, le film est aussi un événement par la manière dont il a été conçu et appréhendé par Oshii. Au lieu des délires psychédéliques d’un univers outrageusement fantaisiste (voir pour ça le très mauvais goût de Spielberg dans A.I. ), Oshii imagine à l’inverse un monde aux accents passéistes (la couleur sépia des décors du jeu) et réalistes (les vieilles rues de Pologne, lieu du tournage du film). De ce contre-pied esthétique naît une mise en scène du jeu inédite ancrée dans un background signifiant ; l’architecture générale qui fait penser aux pays de l’ancien bloc communiste avec toutes les références que cela induit. Pourtant, c’est quand Oshii s’affranchit des limites du réel que son œuvre prend toute son ampleur. Poussé par le souci presque maniaque de la perfection, Oshii utilise une armada d’effets spéciaux dernier cris pour donner corps à son film. C’est ainsi qu’il va même jusqu’à retoucher numériquement le visage de son héroïne pour qu’elle corresponde mieux à l’image idéale qu’il s’en fait. De la même manière qu’Ash est le produit d’une fusion entre humain et fantasmes démiurgiques, Avalon s’avère être le premier film à épouser idéalement dans sa forme et sa pensée les enjeux soulevés par le thème de la virtualité et l’apparition d’un nouveau type de réalité.